Kirsti Pesola est architecte diplômée de l’Université de Technologie d’Helsinki (Finlande) et donnera une conférence le amedi 30 juin lors du séminaire du confort, organisé par Archimedia. Très tôt elle s’intéresse aux conditions d’habitation des personnes âgées en tant que chercheuse au sein de l’Institut de recherche des facilités en soins sanitaires à l’Université de Technologie d’Helsinki puis en tant que chargée de projets et du développement à l’Union Centrale pour le bien-être des personnes âgées et physiquement fragiles : conception des bâtiments, création de nouvelles solutions pour faciliter le quotidien des personnes âgées etc. Avant de prendre sa retraite administrative elle milite au sein de l’Union Centrale des personnes âgées en tant que directrice du Centre Accessibilité ESKE au sein de l’Association finlandaise des personnes handicapées physiques.
1 – Go-go, Slow-go et No-go. Que cachent ces locutions ?
Kirsti Pesola : « Le vieillissement nous concerne tous et c’est naturel que nos capacités faiblissent avec le temps. Mais comme il est question d’un phénomène bien individuel, les gens vieillissent très, très différemment. Les personnes âgées peuvent être divisées en trois groupes: les go-go, les slow-go et les no-go. Cela veut dire que vers la fin de notre vie, les gens go-go seront toujours capables de continuer leur vie comme ils l’ont toujours fait, et qui meurent “les bottes dans les jambes”, comme on dit chez nous. Les slow-go se débrouilleront assez bien chez eux, mais auront besoin d’aide dans leurs activités quotidiennes. Elles auront besoin d’une canne ou d’autres aides techniques pour se tenir en équilibre, et la marche sera plus lente qu’autrefois. Et puis on a les no-go, les gens qui n’arriveront pas à sortir sans aide, qui ne marcheront pratiquement plus et qui resteront à la maison dépendants totalement d’autres personnes. »
2 – Peut-on savoir à l’avance dans quelle catégorie nous serons une fois âgés ?
K.P : «Ça c’est une bonne question. Non, on ne peut pas le savoir. La vie est imprévisible et pleine de surprises. Et comme déjà mentionné, la vie est très individuelle. Les statistiques montrent que la longévité augmente dans presque chaque pays et culture, ce qui veut dire que le risque d’attraper une maladie dégénérative augmente de plus en plus. Par exemple, on dit que chaque humain aura la cataracte s’il vit suffisamment longtemps. Et puis les accidents ça arrive, malheureusement, et personne ne connaît de quoi sera fait son lendemain… »
3 – Un logement peut-il être adapté à toute forme d’infirmité : malvoyance, surdité, désorientation.. ?
K.P : « Bien entendu et sans aucune problème, c’est une question de volonté. »
4 – Les architectes sont-ils formés à cette réflexion ?
K.P : « Dans certains pays oui. Chez nous, en Finlande les (jeunes) architectes sont bien conscients des bénéfices du design universel. Nos règles concernant l’accessibilité datent des années 70. Au début il n’était question que des bâtiments publics. Puis on les a renouvelées à peu près tous les dix ans et chaque fois on a rajouté de nouvelles exigences. La loi de l’an 2000 concernant la construction est déjà assez stricte chez nous. En principe tout ce qu’on construit chez nous, aujourd’hui doit être accessible, et cela concerne aussi l’aménagement des rues piétonnes, les lieux publics et tout immeuble et habitation. C’est déjà obligatoire.
Le trafic public est la plupart du temps accessible, surtout dans les grandes villes. Les besoins du vieillissement sont bien compris parmi les politiciens. Les règles concernant l’accessibilité viennent d’être revues début 2018. Bien sûr nous avons encore beaucoup d’immeubles sans accessibilité, par exemple des maisons à 3–5 étages sans ascenseur. Ainsi, il nous reste énormément de travail bien-que la loi (qui ne concerne que les nouveaux bâtiments) soit bonne. Concernant le volet « FORMATION », pendant longtemps nous avons organisé des jours « accessibilité » dans toutes les facultés d’architecture en Finlande. Le matin c’est de la théorie et l’après-midi les étudiants peuvent essayer différents handicaps. On y emmène des fauteuils roulants, des rollators, des lunettes pour simuler de différents maladies de vue, une acoustique, etc. Pour leur donner une idée comment un bon design facilite la vie de tout le monde… »
5 – Lors du séminaire sur le CONFORT du 30 juin, allez-vous donner des pistes de réflexions et des solutions concrètes ?
K.P : « Oui, il s’agira de montrer des exemples car ils démontrent que les besoins sont les mêmes partout dans le monde et les solutions également. »
6 – Le Design Universel ne concerne-t-il que les personnes à mobilité réduite ?
K.P : « Ha-ha, quelle question! Le design universel c’est pour tout le monde. C’est universel. Tout le monde peut en profiter bien que pour les PMR, les personnes à mobilité réduite, c’est une question de nécessité. L’accessibilité est une chose qu’on ne remarque que quand elle nous manque. Le designer doit penser à concevoir les éléments universels valables à la fois pour les jeunes et vieilles personnes. L’architecte Vitruve (né vers 100 av. J-C) a dit, que dans l’architecture il est question de trois choses: venustas, firmitas et utilitas (beauté, durabilité et utilité) où utilité à mon avis exprime la même chose que faisabilité soit “ce qui peut-être utilisé par n’importe qui”. C’est le design universel ! »
Interview réalisée par Fouad Akalay