Dans le cadre de la conférence sous le thème « Construction durable et résilience des bâtiments : quelles ambitions et quelles pratiques ? » , Saad Dalil, directeur commercial et marketing ciment chez LafargeHolcim Maroc, nous offre un aperçu unique de l’avenir de la construction durable au Maroc. Ses perspectives éclairées mettent en relief l’importance cruciale de cette approche pour renforcer la résilience et la robustesse des structures immobilières. Un éclairage précieux sur les ambitions du secteur, mais également des clés essentielles pour appréhender les pratiques émergentes qui façonneront l’avenir de l’industrie de la construction au Maroc.
CDM // Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels le secteur de la construction durable est confronté au Maroc ?
Saad Dalil : Le secteur de la construction au Maroc est un secteur en plein essor depuis deux décennies avec de belles perspectives sur les années à venir, portées par la dynamique de développement et d’urbanisation de notre pays. Cette dynamique accroit les besoins en logements, en bâtiments tertiaires et en infrastructures de tout genre. Ceci dit, l’émergence d’un secteur de construction durable se trouve confrontée à quelques défis. Le premier est lié à la sensibilité des donneurs d’ordres et des utilisateurs finaux des bâtiments quant aux considérations environnementales et sur le potentiel de réduction des impacts négatifs sur la consommation d’énergie et des émissions de CO2 sur un bâtiment durable comparativement à un bâtiment conventionnel. Le deuxième défi est dans la disponibilité des matériaux durables pour les différentes phases de la construction ainsi que l’expertise technique pour assurer leur intégration dans le bâtiment surtout lorsque cela se fait en rupture par rapport aux modes constructifs actuels (cas des solutions d’isolation par exemple). Enfin, le volet réglementaire et normatif qui est une condition sine qua non pour stimuler la transformation vers la durabilité et qui mérite aujourd’hui d’être renforcé avec les mesures et les contrôles nécessaires pour permettre au secteur de réussir sa mue vers une construction durable.
CDM // Comment envisagez-vous surmonter ces défis pour promouvoir une construction plus résiliente ?
S.D : Nous avons eu l’occasion lors de la conférence organisée par LafargeHolcim Maroc et le Conseil National de l’Ordre des Architectes d’aborder le sujet de la durabilité et de la résilience du Bâtiment et il en ressort une réelle prise de conscience de la part des différents acteurs de l’écosystème de la construction au Maroc vis-à-vis des considérations de durabilité dans les bâtiments. Cet alignement confirme aussi une vue partagée sur le triple objectif de la durabilité et qui est lié à la préservation de l’environnement, la prise en compte des spécificités sociétales de notre pays, et l’obligation d’assurer une viabilité économique de cette transformation. Les défis cités plus haut pourront être surmontés par des efforts et un engagement partagé par l’ensemble des acteurs (pouvoirs publics, fournisseurs de matériaux, promoteurs immobiliers, donneurs d’ordres publics, architectes, bureaux d’études, bureaux de contrôle, sociétés de construction et utilisateurs) afin de favoriser et d’accélérer l’implémentation des pratiques et des techniques de construction permettant d’avoir une construction durable. Ceci passera inéluctablement par la mise en place d’un cadre réglementaire et incitatif, l’accompagnement sur le volet de la formation adaptée à plusieurs niveaux d’intervention dans la chaine de valeur, la diffusion et la vulgarisation des bonnes pratiques et enfin la sensibilisation des utilisateurs finaux sur les attributs de la construction durable pour impacter positivement la demande de ce type de bâtiment.
CDM // Quelles sont les tendances émergentes dans le domaine de la construction durable au Maroc, selon vous ?
S.D : D’après les échanges que nous avons eu durant la conférence, nous restons convaincus que plusieurs pistes sont à améliorer simultanément pour garantir une efficacité dans la mise en place d’une approche de construction durable, approche indispensable pour aller de l’avant dans l’engagement de développement durable dans notre pays. Primo, la prise en considération des objectifs de durabilité et de résilience dès la phase de design du bâtiment vu son importance sur la performance du bâti durant tout son cycle de vie. Secundo, l’utilisation des matériaux de construction assurant une empreinte carbone réduite, diminuant la pression sur les ressources naturelles et valorisant au maximum les matériaux locaux pour sauvegarder l’identité et le cachet de l’architecture du bâtiment marocain. Tertio, l’introduction des techniques de construction assurant une enveloppe du bâtiment permettant une efficacité énergétique est aussi une tendance forte, certes à son début mais porteuse d’un grand potentiel surtout si une réglementation comme la RTCM (Règlement thermique de la Construction au Maroc) ou équivalent devient d’application obligatoire.
CDM // Dans quelle mesure Lafarge Holcim Maroc travaille-t-il en collaboration avec d’autres acteurs du secteur pour promouvoir la construction durable ?
S.D : LafargeHolcim Maroc développe une gamme de produits ciment et béton verts respectivement sous les marques Ecoplanet et Ecopact. Ces produits qui respectent la norme marocaine sans aucune concession sur la qualité, permettent aussi d’avoir une empreinte carbone plus réduite par rapport aux produits standards. Ces gammes Ecoplanet et Ecopact qui sont développées à partir des standards du Groupe Holcim et utilisées dans plusieurs pays profitent d’une étroite collaboration entre LHM et ses clients pour confirmer leurs performances techniques et leurs attributs d’usage avant leur mise sur le marché. Aujourd’hui, la gamme de ciment Ecoplanet est déployée à travers des produits destinés à différentes applications allant de la maçonnerie au béton pour les grands projets d’infrastructure en passant par le béton fait sur chantiers. Cette dynamique de développement continuera pour assurer une disponibilité des gammes précitées pour l’ensemble des applications et sur l’exhaustivité de nos sites de production.
LHM développe aussi une gamme de produits favorisant l’utilisation des matériaux locaux à l’instar de la gamme Durabric qui sont des blocs fabriqués à partir de la terre stabilisée et garantissant à la fois une valorisation des matériaux locaux, la préservation du cachet naturel du bâtiment et surtout une performance environnementale comparativement aux produits conventionnels. La gamme Durabric compte déjà à son actif quelques projets pilotes réalisés ou en cours de déploiement, en partenariat avec des architectes, notamment sur la région d’El Haouz.
Un dernier exemple est la gamme ECOCycleÒ qui permet aux matériaux de construction d’accroître la construction circulaire et de réduire l’utilisation des ressources naturelles. Un premier projet pilote a été réalisé en 2023 au Maroc, une première en Afrique, en mettant en oeuvre cette nouvelle technologie, et ce en réalisant les premiers coulages de bétons labélisés ECOCycleÒ sur un parc éolien en utilisant les matériaux de démolition des anciens massifs sans compromettre le rendement du produit et tout en réduisant son empreinte environnementale.
Ceci dit, la transition vers la construction durable exige une forte collaboration et synergie entre les différents acteurs de l’écosystème de la construction surtout sur les dimensions de l’innovation, de la recherche et du développement. C’est dans ce cadre que LafargeHolcim Maroc (LHM) développe une relation de partenariat avec le Conseil National de l’Ordre des Architectes (CNOA) pour renforcer et structurer la collaboration sur la recherche scientifique autour de l’architecture et de la construction durable. Ce type de collaboration pourra associer d’autres opérateurs à l‘instar du partenariat scellé entre LHM, le CNOA et la Société d’Aménagement de Zenata (SAZ) pour identifier des idées architecturales ingénieuses en vue de les mettre en pratique sur l’Eco-cité innovante et durable de Zenata afin de confirmer la performance technique et environnementale des solutions développées sur la zone en vue de leur déploiement à grande échelle.
Consciente du rôle de la recherche et du développement dans l’accélération de l’innovation, LHM développe aussi des partenariats avec des écoles, des universités et des organismes de formation professionnelle pour assurer la diffusion des bonnes pratiques auprès des clients et de manière plus large auprès des intervenants dans l’acte de bâtir qui se fait notamment à travers les caravanes de formation ciblant les chantiers de bâtiment dans les différentes régions du royaume.
CDM // Quels sont les avantages environnementaux concrets qui résulteraient de l’utilisation de matériaux durables ?
S.D : L’utilisation des matériaux durables permettent de réduire l’empreinte carbone du bâtiment qui s’opère concrètement à deux niveaux. D’abord, une baisse de l’empreinte carbone générée lors de la phase de fabrication et de transport des matériaux de construction et qui représente pour l’ensemble des matériaux de construction environ le tiers des émissions générées par un bâtiment. Les gammes vertes Ecoplanet et Ecopact citées auparavant représentent des exemples de produits permettant de réduire cette empreinte, mais cela devrait couvrir tous les matériaux de construction utilisés dans le bâtiment.
Ensuite, l’utilisation des produits durables couplée à un design ingénieux contribue aussi à l’amélioration de l’efficacité énergétique de l’enveloppe du bâtiment permettant ainsi une réduction de la consommation d’énergie pendant toute la phase d’exploitation d’un bâtiment qui dure au-delà de cinquante ans et qui représente les deux tiers du total de l’empreinte carbone générée par un bâtiment.
Des matériaux durables permettent aussi d’optimiser l’utilisation des ressources naturelles non renouvelables en favorisant le recours à des matériaux recyclés ou locaux ce qui permet par conséquent de préserver les pratiques architecturales locales.
CDM // Pouvez-vous donner des exemples de projets dans lesquels vous avez été impliqués et qui illustrent la résilience des bâtiments au Maroc ?
S.D : Par rapport à la résilience des bâtiments et suite à la catastrophe du séisme d’El Haouz, LHM développe, en partenariat avec des architectes marocains, un modèle de bâtiment qui prône la durabilité et la résilience. Cette conception en phase pilote pour le moment sur la région d’El Haouz répond aux exigences requises pour la reconstruction, à savoir un design respectant la norme parasismique et privilégiant l’utilisation des matériaux locaux pour tenir compte des habitudes des habitants de la région.
Des sujets de développement de solutions durables sont en cours d’exploration ou d’implémentation notamment sur Rabat, Tétouan et le Sud, toujours en partenariat avec le corps architectural marocain. D’autres thématiques sont à prévoir dans le cadre des deux conventions citées plus haut.
CDM // Comment voyez-vous l’avenir de la construction durable dans le pays et le rôle que Lafarge Holcim Maroc pourrait jouer ?
S.D : Nous avons la certitude que la construction durable aura un avenir prometteur au Maroc au regard du rôle pionnier qu’ambitionne notre pays sur le registre du développement durable de manière générale et de l’impact positif que pourra jouer le secteur de la construction pour l’atteinte des objectifs de villes durables.
La mise en place d’un cadre réglementaire et normatif avec des mesures incitatives et du contrôle associée à un engagement fort des différents intervenants dans l’acte de bâtir permettront d’accélérer cette transformation pour le bien de la population et de l’environnement.
Pour accompagner cette transformation, LafargeHolcim Maroc est le partenaire de la construction durable au Maroc.
Propos recueillis par Frou Akalay