Le Building Information Modeling (BIM) est un nouveau paradigme qui prend de plus en plus d’importance dans le secteur de la construction et du bâtiment. En effet le BIM se démocratise dans le monde entier et est devenu la pierre angulaire de l’ambition internationale dans la digitalisation de la construction.
L’importance du BIM se reflète dans la transformation digitale du processus de construction à travers la mise en exergue d’un esprit innovant, sous différents niveaux de maturité à savoir niveau 1 pour la maquette BIM isolée, niveau 2 pour la maquette BIM collaborative et niveau 3 pour la maquette BIM intégrée, et ce en associant les différents intervenants classiques d’un projet de construction.
Par ailleurs l’utilisation d’outils numériques notamment les logiciels orientés BIM, la prise de conscience de la valeur ajoutée d’une maquette numérique 3D dans la spatialisation des objets et le développement d’un management projet basé sur l’établissement et le respect de chartes et de conventions, tous ces nouveaux concepts ont permis l’émergence de nouveaux métiers à savoir « Référent BIM », « BIM Manager », « Coordinateur BIM », « BIM Modeler », etc…
Nonobstant le BIM peut s’implémenter même après l’achèvement de la construction, à travers le processus de « Scan 2 BIM » moyennant la lasergrammétrie afin d’obtenir un résultat « BIM as Built » ou tel que construit, et également à travers la détection de réseaux non apparents par localisateurs ultrasonique et géoradars.
On parle assez souvent de l’apport du BIM pour le bâtiment et l’infrastructure, qu’en-est-il pour un secteur phare de toute économie émergente ? Quid du secteur industriel où on entend souvent les termes d’innovation, 4.0 et digital factory ?
En effet les transitions énergétiques et digitales dans le secteur industriel mondial s’accélèrent à travers la décarbonisation et le développement de nouvelles approches en efficience énergétique, le BIM représente un moyen qualitatif adhérent aux dites transitions.
Dans cet article je veillerai à vous présenter 3 raisons pour adopter le BIM dans le processus de construction ou de Gestion, Exploitation et Maintenance (GEM) d’installations et de bâtiments industriels :
1–Visiter en mode dématérialisé

La simplicité est synonyme d’efficacité. Ainsi l’aspect visuel immersif en 360° et en nuage de points 3D peut être d’une très grande utilité pour les industriels. En effet disposer d’une visite virtuelle en vues 360° augmentées de fiches attributaires pour chacune des composantes de son installation industrielle, en phase de construction ou d’exploitation, permet une meilleure compréhension de l’état des lieux. Cette approche de communication est une réponse rapide et dématérialisée pour des problématiques liées à la gestion du site, la sécurité et l’environnement.
2–Disposer d’un Facility Management 2.0

Le facility management (FM) se définit comme l’ensemble des services et prestations liés à la bonne gestion opérationnelle et stratégique des entreprises, il s’agit d’activités touchant autant aux infrastructures qu’aux occupants. Ainsi, dans le milieu industriel le FM est généralement intégré en interne, et particulièrement l’aspect de maintenance.
Le BIM peut répondre de manière intelligente aux problématiques liées à la maintenance industrielle à travers une gestion digitale de l’exploitation. Concrètement il s’agit de modéliser et de documenter l’ensemble des installations, de les visualiser en 2D ou 3D dans une plateforme dématérialisée sur cloud, et pouvoir ainsi faire le suivi et la correspondance avec les états de dégradation et des dates de remplacement de pièces qui arrivent à date d’échéance.
3–Valoriser son patrimoine
Le BIM est un moyen intelligent pour la valorisation du patrimoine des installations industrielles, en effet modéliser en 3D chaque hagard, plateforme, ouvrage, post transformateur, conduite, pipeline, etc… en y affectant des fiches d’attributs, représente un moyen innovant pour disposer d’un Digital Twin ou jumeau numérique, permettant l’estimation rapide de la valeur vénale de la consistance immobilière et également en matière de valorisation du mobilier.

Finalement, les disciplines de l’architecture du génie civil, de l’ingénierie des réseaux et des fluides ainsi que la géomatique peuvent tirer un grand profit en offrant des solutions orientées BIM pour le domaine de l’industrie. En effet, dans un pays comme le Maroc où les pouvoir publics mettent beaucoup d’efforts dans l’accompagnement du secteur industriel, l’avenir de la transformation 4.0 de l’industrie passera certainement à travers le BIM.
INTERVIEW
« …les architectes en particulier doivent assimiler que le BIM est un investissement en formation et en méthode de travail collaboratif avant d’être un investissement en machine ou en logiciels. »

CEO – BIM INSPIRE e
1.Le BIM au service des architectes, à usage de conception, a du mal à démarrer. Les institutionnels n’ont pas encore pris l’intérêt de cette démarche. Pourquoi à votre avis ?
Faiçal EL ADLOUNI : « L’adoption du processus BIM c’est, avant toute chose, une question d’intérêt du client maitre d’ouvrage, et en général quand ce dernier est privé, le processus s’adopte facilement et il n’y a pas lieu de légiférer pour prescrire le BIM.
Nonobstant je ne suis pas d’accord avec vous, la résistance est plus chez les intervenants de la construction qui ne mesurent pas que l’adoption du processus BIM peut commencer à travers la mise en place anticipée de nouveaux workflows internes basés sur le concept de la maquette isolée pour se préparer au changement quand le projet collaboratif viendra.
Par ailleurs les professionnels de la construction en général et les architectes en particulier doivent assimiler que le BIM est un investissement en formation et en méthode de travail collaboratif avant d’être un investissement en machine ou en logiciels.
Aussi, et pour tirer profit des expériences des pays industrialisés qui ont adoptés le processus BIM à travers une approche institutionnelle, il est primordial de dresser une stratégie nationale basée sur la définition d’objectifs communs entre professionnels et institutionnels pour une meilleure synergie public/privé.
Finalement, bien qu’il ait été constaté dans les pays industrialisés que la mise en œuvre du processus BIM doit provenir d’une approche ascendante, le plus important encore, c’est la direction descendante qui fera des pratiques BIM la norme.
Personnellement j’estime qu’une agence (neutre) de l’état comme l’ADD (Agence du Développement du Digital) peut être le meilleur catalyseur pour une adoption rapide de ce processus à travers son approche participative et innovante. »
2.Pour les bâtiments industriels existants, vous proposez de les « bimiser » à postériori. Quel est l’intérêt des industriels ? Y a-t-il un retour sur investissements ?
F.E.A : « Bimiser les bâtiments industriels existants représente une nouvelle chance pour les industriels leur permettant de disposer d’une information nette claire et précise de leur patrimoine bâti.
En effet, et même après l’achèvement des travaux de construction, à travers la capture de la réalité 3D et la détection de réseaux souterrains et intramuros, l’input pour la modélisation 3D orientée BIM n’a jamais été aussi ludique d’accès. Ainsi la maquette 3D résultante permettra d’optimiser le facility management et de mieux réaliser les opérations d’exploitation et de maintenance.
Le retour sur investissement est fort mesurable quand il s’agit d’avoir les moyens de ses ambitions pour exprimer son besoin de maintenance lors d’échanges dématérialisés avec des fournisseurs qui ne sont pas présents sur site, et c’est autant plus un besoin prédominant à l’ère de la covid 19.
Disposer d’un jumeau numérique permet de mieux valoriser la transition digitale de l’usine et de son mode de gestion et ce dans le cadre de l’association du BIM avec des capteurs iOT. »
3.Pour mener à bien votre démarche il faut que l’ensemble des caractéristiques physiques des matériaux utilisés soient identifiés. Est-ce le cas ?
F.E.A : « C’est généralement le cas quand on réalise une acquisition 3D augmentée de geotags. Ces derniers représentent des éléments illustrés en image avec des positions connues dans l’espace, permettant d’identifier les caractéristiques physiques visuelles des matériaux. De plus les nouvelles prouesses software de modélisation industrielles disposent de l’intelligence artificielle nécessaire pour l’interprétation des qualités de matériaux sur la base du nuage de points 3D. »
4.Quels sont les secteurs industriels qui ont le plus intérêt à faire appel au BIM ?
F.E.A : « L’industrie lourde, l’industrie pharmaceutique, les clusters de l’automobile et de l’aéronautique, l’industrie agro-alimentaire et les zones logistiques représentent les industries les plus concernées. »
5.Pouvez-vous nous donner une idée que coute cette prestation ?
F.E.A : « Quand on parle de capture de la réalité 3D pour des applications BIM, l’estimation du cout n’est jamais une science exacte. En effet l’ennemie numéro 1 de nos solutions est le masque ou l’encombrement, ainsi le prix c’est au cas par cas… »
Propos recueillis par Fouad Akalay