Jean-Christophe Vanderhaegen est directeur général de la Confédération belge de la construction et s’intéresse depuis longtemps à la problématique du logement pour personnes âgées. En 2008, il est élu président du comité européen de l’IAHSA (organisation internationale basée à Washington). En 2010, avec les membres européens de l’IAHSA il cofonde une organisation européenne destinée à répandre les solutions innovantes dans le secteur des services aux personnes âgées. Il s’agit notamment de solutions destinées à permettre le vieillissement actif et le maintien à domicile. L’idée de cette organisation, appelée EAHSA (European Association of Homes and Services for the Ageing), est née pendant l’organisation des trois conférences BetterLifetime, organisées en 2006, 2007 et 2008 par la Confédération Construction Bruxelles-Capitale. Elles ont été suivies par les conférences EAHSA de Stockholm (2010), de Malte (2012), d’Amsterdam (2014) et de Lyon (2016).
Il représente la Fédération Européenne de la Construction (FIEC) dans le groupe de travail Active Ageing and the BuiltEnvironment de la European Construction TechnologyPlatfor et participe également au groupe d’action C2 Independent living solutions de la European Innovation Partnership on active and healthy.
Vous allez traiter, lors du séminaire annuel sur le CONFORT DANS L’HABITAT, organisé par Archimedia le 30 juin, du design FOR ALL. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette notion ?
Jean-Christophe Vanderhaegen : « La conception universelle, plus connue sous sa dénomination anglaise de « design for all», « Universal design» ou «barriers free design», est une philosophie qui se base sur les différences individuelles. Il implique la réalisation d’un environnement, d’un bâti, de produits et de services accessibles et utilisables par le plus grand nombre possible de personnes.
La conception universelle se distingue de la conception spécifiquement adaptée aux personnes handicapées. « Rendre les bâtiments accessibles aux personnes ayant des incapacités, c’est la conception adaptée aux personnes handicapées. Rendre les bâtiments plus sûrs et plus confortables pour tous les usagers y compris les personnes ayant des incapacités, c’est la conception universelle.» Ou encore: un logement adapté est un logement qui répond à une série de critères quantitatifs et qualitatifs dans le but d’accueillir une ou plusieurs personnes handicapées. Un logement adaptable, conçu de manière universelle, est un logement conçu pour permettre, sans frais trop importants, d’accueillir une personne à mobilité réduite: surface et circulation conçues pour un occupant en chaise roulante, installation possible d’équipements d’aides, d’appels au secours, etc.
C’est la conception universelle du bâtiment qui va permettre, lorsqu’un handicap surgit, d’éviter des frais importants pour adapter spécifiquement un logement inadapté. Le bâtiment étant en lui-même accessible dès le départ au plus grand nombre, il sera en mesure de continuer à héberger une personne malvoyante ou condamnée à l’utilisation d’un fauteuil roulant. Sa conception fonctionnelle permettra de prévenir les accidents et les chutes, voire permettre à une personne atteinte de démence sénile de continuer à résider seule chez elle, dans les premiers stades de la maladie. Un bâtiment ne doit pas seulement être accessible financièrement, esthétique et économe en énergie, il doit également être fonctionnel.
Cette accessibilité et cette fonctionnalité économiquement justifiées font partie du concept de la construction durable. Pour que le bâtiment constitue un environnement favorable à une bonne santé physique et mentale pour tous ses occupants, il doit également être accessible aux personnes à mobilité réduite. Car, pour être durable, un bâtiment devra également l’être en termes d’économie. Sa conception et sa réalisation devront conduire à un investissement ayant un bon rapport qualité-prix; être économique tant pour son utilisation que pour son entretien; tenir compte de l’ensemble des coûts, y compris les coûts externes et conserver sa valeur, sur l’échelle du temps considérée.
Les impératifs économiques impliquent que l’intégration des éléments liés à l’accessibilité se fera dès l’élaboration du projet. »
En quoi cette conception est-elle durable ?
J.C.V : « Le concept de développement durable fait aujourd’hui partie intégrante de notre société. Le secteur de la construction a joué un rôle actif dans ce domaine. Synonyme de longévité accrue, la construction durable traduit aussi une vision globale qui tend vers la réalisation d’ouvrages de qualité dans le respect des contraintes liées à l’aménagement du territoire, à l’environnement, aux conditions sociales et au progrès économique. La construction durable comporte une dimension sociale, en l’occurrence liée à l’augmentation constante du nombre de personnes âgées et à mobilité réduite dans notre société, qui a projeté au-devant de la scène le problème de l’accessibilité de notre milieu environnant et de nos bâtiments.
En d’autres termes : tout comme la meilleure gestion de notre environnement, le vieillissement démographique est l’un des grands défis auquel est confrontée notre société. Dans ces deux domaines, le secteur de la construction a un rôle essentiel à jouer, issu de son know-how, qui lui permet de construire de manière durable des logements ayant un impact moindre sur les ressources de notre planète, mais aussi accessible et adaptable. Dans ces habitations, les personnes pourront vieillir le plus longtemps possible, voire y terminer sereinement leur vie entourées de leur famille et, si nécessaire, ainsi retarder au maximum le moment où leur manque d’autonomie ne leur permettra plus de vivre sans assistance permanente. »
En quoi consiste le confort pour une personne âgée ?
J.C.V : « De nombreuses personnes plus âgées émettent le souhait de rester à leur domicile le plus longtemps possible tout en conservant leur confort de vie. Or, leur mobilité finit généralement par se réduire. La solution ? Le logement adaptable : un logement pensé dès sa conception dans uneoptique d’adaptation à l’évolution de la mobilité de son/ses occupant(s) sans devoir procéder à des travaux importants, ni engager des frais élevés. »
Quelle(s) différence(s) entre un logement accessible, un logement adaptable et un logement adapté ?
J.C.V : « Ces trois notions importantes sont à ne pas confondre :
• Un logement accessible : il s’agit d’un logement dont les voies d’accès répondent aux normes d’accessibilité depuis la voirie publique jusqu’à la porte d’entrée du logement privatif.
• Un logement adaptable : il s’agit d’un logement accessible qui peut être aisément transformé en logement adapté aux besoins spécifiques d’une personne à mobilité réduite de manière à lui permettre d’y circuler et d’en utiliser toutes les fonctions de manière autonome.
• Un logement adapté : il s’agit d’un logement accessible qui a été transformé pour répondre aux besoins spécifiques d’une personne présentant un handicap précis à un moment donné. »
Les architectes et les promoteurs immobiliers sont-ils sensibilisés ?
J.C.V : « Ni les architectes ni les promoteurs immobiliers, dans leur globalité, ne pensent à construire systématiquement de manière adaptable. Cela ne rencontre généralement pas les souhaits et les exigences de leur jeune clientèle de base, qui pense localisation et qualité architecturale. On voit cependant se développer des marchés de niche gérés par des promoteurs et des architectes motivés. Avec notre Centre Scientifique et Technique nous continuons à sensibiliser les professionnels du secteur, le succès de cette sensibilisation est progressif, avec l’arrivée decohortes de personnes âgées parmi les clientes potentielles de ces marchés. On a vu dans certains pays (scandinaves, États-Unis) que ces concepts pouvaient rencontrer un grand succès tant du niveau économique que social. »
Jean-Christophe Vanderhaegen interviendra lors du séminaire : Les Nouvelles Exigences de Confort dans l’Habitat qui aura lieu le 30 juin 2018 à Casablanca, Most Events Anfa Place.