Bernard Valero : « AVITEM, ses partenaires GIZ, AFD, CMI ainsi que les auditeurs avons constaté que le sens de l’hospitalité des Marocains n’était pas une légende mais bien une chaleureuse réalité ».
Comment avez-vous structuré ces ateliers métropolitains de réflexion spécifiques à la région méditerranéenne ?
Bernard Valero : « Créée pour conduire des missions de coopération et d’expertise en Méditerranée, sur le champ des villes et des territoires, l’AVITEM a ouvert des cycles annuels d’études urbaines et territoriales en 2014. Ces cycles rassemblent entre 20 et 30 auditeurs, tous professionnels issus d’horizons divers et venant de pays du sud de la Méditerranée, essentiellement du Maghreb. En 2017, l’AVITEM a été rejointe par l’AFD et la GIZ avec lesquelles elle a construit un partenariat, en l’occurrence franco-allemand ce qui mérite d’être noté, lequel est venu approfondir et renforcer l’initiative originelle.
Cette année, en 2018, c’est le Centre pour l’intégration en Méditerranée, le CMI, animé par la Banque Mondiale, qui est venu se joindre au partenariat. L’initiative que nous avons prise il y a quatre ans a tout d’abord reposé sur un constat, celui des mutations urbaines et territoriales qui sont à l’œuvre, en mode accéléré et sous nos yeux, en Méditerranée : mutation démographique provoquée par la progression très forte de la population en Méditerranée, mutation de l’urbanisation et de la littoralisation de cette population, mutation de l’échelle territoriale des territoires urbains de la Méditerranée, laquelle se structure aujourd’hui autour de grands territoires métropolitains et, la plupart du temps, portuaires. La conjugaison de ces mutations provoque un impact violent sur l’environnement en Méditerranée, l’une des régions du monde les plus dégradées et les plus vulnérables face au changement climatique.
L’urgence qui s’impose est celle de repenser la ville méditerranéenne, durable et de demain. C’est sur son mode de construction et sur sa gouvernance qu’il faut désormais faire porter l’effort .
Pourquoi avoir choisi la région Tanger-Tétouan comme premier territoire d’étude urbaine ?
B.V : Le choix de la région Tanger-Tétouan s’est imposé naturellement : une région emblématique au carrefour de deux continents et au point de rencontre entre une mer et un océan, une région engagée à prendre sa part à la grande dynamique de la mondialisation, une région moteur pour son pays, une région sensible aux défis environnementaux comme l’illustre l’installation à Tanger de la Maison Méditerranéenne du Climat dans le sillage de la Cop 22 à Marrakech, la coopération ancienne et fructueuse qui unit la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima d’une part et la région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur, collectivité territoriale membre fondateur de l’Avitem, d’autre part. Cela fait un certain nombre de bonnes raisons auxquelles j’ajouterai la disposition des acteurs locaux à nous accueillir à laquelle nous avons été particulièrement sensibles.
Comment ce modèle de réflexion permettra-il de faire face au développement de la Région de Tanger-Tétouan ?
B.V : Notre propos n’est pas d’exporter un modèle, ni de dicter quoi que ce soit à qui que ce soit. Le principe qui guide les études urbaines et territoriales que nous menons avec nos auditeurs s’ordonne autour de quelques règles simples : aller sur le terrain pour y rencontrer les acteurs et pour étudier ce qui s’y passe, travailler collectivement, échanger les expériences, identifier les bonnes pratiques pour en faire des sources d’inspiration.
Cette méthode de travail qui rythme nos séminaires intègre plusieurs paramètres : la construction d’un territoire urbain multi scalaire, l’approche transversale afin de dépasser la définition de politiques publiques en silos, le collectif des acteurs, la connexion entre elles et dans toute leur diversité des actions menées sur le terrain : environnement, habitat, mobilité, sécurité, patrimoine, attractivité, nexus eau-alimentation-énergie, services publics, etc.
Comment la société civile et les autorités locales ont accueilli votre démarche ?
B.V : « L’AVITEM, ses partenaires GIZ, AFD, CMI ainsi que les auditeurs avons constaté que le sens de l’hospitalité des Marocains n’était pas une légende mais bien une chaleureuse réalité. Au-delà, nous avons rencontré un intérêt marqué de tous ceux avec lesquels nous avons travaillé pour notre démarche, pour le travail et la réflexion collective à laquelle elle a donné lieu. Nous avons réfléchi et travaillé ensemble et de manière très ouverte, je pense que c’est cela aussi qui a été bien accueilli par nos amis marocains.
Pourriez-vous nous communiquer un premier bilan de cette première étape ?
B.V : Ce séminaire de Tanger-Tétouan est la première étape d’une série de rendez-vous qui nous mèneront en septembre à Tunis, puis vers la fin de l’année à Tirana, deux villes capitales, engagées elles aussi dans des processus de métropolisation à large échelle.
De notre passionnante étape à Tanger-Tétouan, je retiendrai pour ma part plusieurs enseignements significatifs :
– Le développement spectaculaire d’un territoire alors que s’engage un processus majeur de réforme institutionnelle, la régionalisation avancée, lancée par les autorités marocaines;
– L’importance du facteur international et/ou de l’attractivité internationale dans le développement du territoire Tanger-Tétouan;
– Les marges de progrès qu’ouvre la connexion des pôles universitaires d’innovation aux autres facteurs et acteurs du développement économique territorial;
– L’effet d’entrainement économique et social sur la vie des territoires (urbains, péri-urbains et ruraux) que peuvent soulever la construction d’infrastructures majeurs (TGV, port de Tanger-Med par exemple);
– La place qu’occupe, ou que doit occuper, une politique environnementale résolue, engagée et elle aussi multi-acteurs pour que le développement soit durable et en accord avec les ODD.
Enfin, si on doit parler de bilan, je souligne que ce séminaire nous a donné l’occasion de poser les bases d’une nouvelle ligne de coopération, universitaire celle-ci, entre l’Université de Tanger-Tétouan et l’Institut méditerranéen des villes et territoires de Marseille.
Le projet « les jeunes bâtisseurs de la ville méditerranéenne du futur », ouvrira une nouvelle dimension de coopération entre ces deux pôles universitaires. Nous serons très certainement en mesure de donner plus de précisions à l’occasion du lancement de cette initiative à l’automne prochain ».
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°164 – Août/Septembre 2018