Nabil BENAZZOUZ a un riche parcours professionnel. Il comprend la nécessité des compromis nécessaires, d’être dans la réciprocité, la communication et le respect de la profession. Le nouveau président de la Fédération Marocaine du Conseil et de l’Ingénierie (FMCI) supervise, depuis le premier jour de son élection, les différents chantiers menés par la fédération, afin de mieux cerner les intervenants et les pratiques dans le conseil et
l’ingénierie au Maroc.
Pouvez-vous nous parler de votre Fédération et nous en rappeler les missions ?
Nabil Benazzouz : « Près de 600 sociétés opèrent dans le conseil et l’ingénierie et génèrent un volume d’affaires d’environ 5 milliards de DH par an. Plus de 260 des plus importantes d’entre elles concentrant 85 % de ce volume d’affaires adhérent à la Fédération Marocaine du Conseil et de l’Ingénierie « FMCI ». Elles emploient près de 10 000 salariés dont 65 % d’ingénieurs et cadres universitaires et sont implantées dans tout le territoire national avec une concentration de 65 % pour les deux régions de Rabat et Casablanca.
Le Conseil et l’ingénierie interviennent dans l’ensemble des projets d’investissement BTP sous forme d’études, d’assistance technique, de contrôle ou d’essais portant sur la faisabilité, la conception, la réalisation et la gestion des projets depuis leur implantation jusqu’à leur mise en service, voire leur exploitation et maintenance. Dans le contexte actuel d’optimisation des ressources, le conseil et l’ingénierie de par son accompagnement de l’ensemble du cycle de vie des projets constitue plus que jamais un acteur essentiel dans l’efficience et l’efficacité des projets d’investissement.
Ils accompagnent ainsi les programmes d’urbanisation et d’infrastructures lancés par le Maroc : nouvelles villes, autoroutes, voies
ferrées, ports, barrages, accélération industrielle, arcs solaires, et éoliens… et aussi dans la région et le continent.
Quels sont les chantiers que vous avez menés depuis votre élection comme président ?
N.B : « Les chantiers menés portent sur quatre volets principaux :
1. Système de gouvernance de la Fédération ;
2. Organisation de la Profession, compétences, missions et responsabilités ;
3. Développement du marché du Conseil et de l’Ingénierie, accès à la commande
4. Valorisation des prestations du Conseil et Ingénierie et positionnement local, régional et continental.
1. Système de gouvernance de la Fédération :
Après une année 2016 particulièrement marquée par de grandes discussions au sein de la fédération autour d’un projet de texte réglementaire non concerté devant porter préjudice à l’accès à la commande publique d’une grande majorité de bureaux de conseil et d’ingénierie, il s’est avéré indispensable de revoir les mécanismes de gouvernance au sein de la fédération. Ainsi une Assemblée Générale Extraordinaire fut tenue le 23 novembre 2016 pour la revue des principes généraux des statuts et des élections suivirent en décembre 2016.
Depuis, il était question de concrétiser progressivement la revue de système de gouvernance tout en résorbant les écarts et retards antérieurement accumulés, honorant les engagements pris par notre fédération vis-à-vis de ses interlocuteurs institutionnels, professionnels et surtout envers ses membres. Cet exercice n’a pas été de tout repos, puisqu’il imposait une cadence élevée et inédite de travail au sein du Bureau national qui n’a pas pu être suivie par certains membres fraichement élus ce qui a nécessité en mi-parcours de mandat une recomposition des commissions au sein du Bureau National.
La déclinaison rigoureuse dans le temps du plan d’action annoncé à nos adhérents au sein d’une feuille de route assortie d’objectifs, de responsabilités et d’indicateurs pour chacune des commissions constituées au sein du bureau national et la persévérance exceptionnelle de certains membres ont permis de surmonter au fur et à mesure les difficultés susmentionnées.
* Ainsi une nouvelle identité visuelle consacrant les langues officielles du Maroc et illustrant davantage la fédération de tous les métiers accompagnant le cycle de vie des projets – dont notamment le conseil – a été adoptée.
* Un état des lieux et évaluation du fonctionnement des structures permanentes ont été opérés pour aboutir à un renouvellement du management encore plus professionnel et pérennisé.
* En matière de communication, jadis très timide, une stratégie de communication, a
vu également le jour en s’appuyant sur une commission dédiée à même de développer les outils de communication aussi bien en interne que vers l’extérieur. Dans ce sens une plateforme collaborative professionnelle a été lancée
accessible à partir d’un nouveau site web.
Déclinaisons régionales :
Des rencontres d’échanges ont ainsi été organisées dans les régions pour présenter le nouveau système et la mise en œuvre du plan d’action et en enrichir le contenu et le fonctionnement :
• Janvier 2017 à Fès,
• Janvier, mars et mai 2017 à Casablanca,
• Février, avril et novembre 2017 à Rabat,
• Avril 2017 à Tanger,
• Avril 2017 à Meknès,
• Mai 2017 à Marrakech ;
• Mai 2018 à Laayoune.
Déclinaisons sectorielles :
Des rencontres d’échanges ont été également organisées avec les associations sectorielles fédérées par la FMCI telle que
• L’Association Marocaine des Laboratoires d’Essais et de Contrôle « AMLEC » en juin 2017,
• L’Association Marocaine du Conseil et de l’Ingénierie Bâtiment « AMCI BAT » en mars 2018,
• L’Association de Conseil et Études en Techniques d’Information « ACETI »
• L’Association des Bureaux de Conseil et de Formation « ABCF » en avril 2018
Pour coordonner les actions en faveur des professions représentées par la FMCI.
2. Organisation de la profession :
Depuis décembre 2016 et de par ses statuts revus, la FMCI a lancé, dans le cadre d’une commission dédiée, la réflexion sur la création de collèges de métiers auxquels devrait appartenir à terme tout ingénieur pratiquant au sein d’un bureau de conseil et d’ingénierie membre de la FMCI. Ceci est à même de mieux identifier, répertorier et suivre l’évolution des compétences en ingénierie opérant dans les projets.
Par ailleurs, plusieurs réunions ont été tenues avec l’Union Nationale des Ingénieurs « UNIM » et un collectif national pour la réglementation et l’organisation du métier d’ingénieur a vu ainsi le jour. J’ai été désigné membre du comité d’élaboration de la charte dudit collectif, je participe ainsi à sa rédaction et je proposerai même une identité visuelle de la nouvelle entité ainsi créée.
Dans le but de mieux cerner les missions et responsabilités, la FMCI a signé en mai 2017, une convention pour doter ses membres d’une assurance professionnelle à même de couvrir leur responsabilité et de l’assumer dans des conditions sereines et acceptables.
3. Développement du marché du Conseil et de l’Ingénierie, accès à la commande :
* Système d’agrément ;
Suite à une multitude de séances de travail en 2017 avec les services concernés du Ministère de l’Équipement du Transport de la Logistique et de l’Eau « METLE », la FMCI a réitéré dans un mémorandum adressé au Ministre METLE en mars 2018, la nécessité de procéder à une refonte globale du système d’agrément qui régit l’accès de nos bureaux aux marchés publics. Cette refonte devrait s’articuler essentiellement autour des aspects comme :
• Une révision de l’arborescence et la liste des domaines d’agrément ;
• Une révision des critères d’octroi d’agrément et l’intitulé précis des diplômes et formations et expériences des ressources en symbiose avec l’état des lieux national ;
• Une mise à jour du règlement intérieur et élaboration d’un guide pour la composition, la représentativité et le fonctionnement de la commission interministérielle d’agrément.
Une audience dédiée à la FMCI a été accordée par le Ministre aux membres du bureau national le 6 juillet 2018. Il y a été décidé que la commission mixte METLE / FMCI sera Co présidée désormais par le Secrétaire Général de ce ministère et le Président de la FMCI et traitera de manière exhaustive de l’ensemble des aspects abordés dans le mémorandum dont notamment la refonte du système d’agrément.
* Mutualisation et partenariats au Maroc et à l’étranger :
Des approches de regroupement et de mutualisation des moyens et savoir-faire ont été initiées entre nos membres pour pouvoir mieux répondre aux besoins du Marché du Conseil et de l’Ingénierie.
Ainsi un rapprochement a été opéré en juillet 2017 entre le plus grand bureau généraliste du Maroc « JESA » avec des bureaux membres spécialisés dotés d’expertises spécifiques.
Des rencontres ont été co-organisées en février et novembre 2017 avec la Banque Islamique de Développement « BID » en faveur de nos membres souhaitant développer des partenariats à l’export vers les pays de notre continent, l’Afrique.
* Développement du marché du Conseil et de l’ingénierie dans les marchés publics, privés Marocains et régionaux :
Des réunions ont été tenues avec la Direction Générale des Collectivités locales « DGCL » en février et décembre 2017 pour développer le marché du conseil et de l’Ingénierie auprès des collectivités locales. Une instance de suivi des projets a été ainsi annoncée par la DGCL au sein de laquelle le secteur privé y sera représenté par la CGEM, la FMCI et la FNBTP. L’accès à ce marché sera également facilité à travers l’élaboration de CPS et Règlement de consultation type et aussi grâce à la formation des acheteurs.
D’autres rencontres ont été organisées en avril 2017 et mars 2018 avec la Direction des Équipements devant s’ériger bientôt en agence.
Ces deux marchés constituent la cible publique de la majorité de nos membres opérant dans le secteur du bâtiment.
Quant au marché privé, l’avènement de la loi 66/12 qui a mobilisé notre fédération sur au moins les cinq premiers mois de l’année 2017 par des réunions, des communiqués de presse, par l’émission d’une note officielle et la participation à l’élaboration d’un projet de cahier de chantier avec les autres professionnels a constitué une occasion et une opportunité pour mieux préciser les contours du rôle, des missions et responsabilités du conseil et de l’ingénierie et valoriser et repositionner ainsi la profession dans l’éco système de l’acte de bâtir et le marché correspondant.
Sur le plan régional et continental, la deuxième édition du Salon de l’Habitat du Sénégal organisée du 10 au 12 octobre 2017 à DAKAR, avec le Maroc hôte d’honneur, a été l’une des occasions pour promouvoir le conseil et l’ingénierie Marocains. Des confrères de la FMCI représentant divers métiers ont ainsi participé à ce Salon et au programme scientifique.
Afin d’institutionnaliser la promotion et l’implantation de nos adhérents dans le continent, une audience nous a été accordée par le nouveau Ministre délégué à la Coopération Africaine.
4. Valorisation des prestations du Conseil et Ingénierie et positionnement local, régional et continental :
* Système de rémunération mode et niveaux étude ;
Depuis au moins décembre 2010 avec des rappels successifs en 2011, 2013 et 2015, la FMCI a toujours appelé à l’adoption pour le secteur du bâtiment notamment de marchés au pourcentage.
En effet, ce type de marchés, prévu par le projet de décret de passation des marchés uniquement pour les prestations architecturales, devrait pouvoir être appliqué également pour les prestations techniques, surtout lorsque la consistance du projet n’est pas définie avec suffisamment de précision lors du choix du bureau de conseil et d’ingénierie.
De plus et afin de lutter contre le dumping dans les marchés d’études de bâtiment et à l’instar de ce qui est prévu pour les prestations architecturales, prévoir que le taux d’honoraires des bureaux d’études intervenant dans les projets de bâtiment et de lotissements, ne peut être inférieur à un seuil minimal.
Quant aux honoraires de manière générale, la FMCI à l’avènement de l’adoption de la publication des estimations, avait édité en février 2014 un guide des honoraires pouvant doter les acheteurs publics et privés d’un outil d’information et de compréhension du montage du coût de revient des prestations du conseil et de l’ingénierie. Mises en pertinence avec la conjoncture économique du moment, les grilles proposées dans ce guide permettent d’aboutir à des estimations raisonnables pour chaque type de projet.
La dangereuse tendance à la baisse observée ces dernières années dans l’estimation du coût de ces prestations constitue un frein majeur au développement d’une ingénierie nationale performante et attractive à même de capitaliser les expériences acquises, d’innover et de fidéliser les compétences formées…
Enfin dans l’objectif d’une étude sur l’adéquation des ressources aux besoins en conseil et ingénierie et l’impact sur l’optimisation des projets d’investissement, des premières moutures de Termes de Références « TDR ».
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°163 – Juillet 2018