Oussama Abaouss est un journaliste spécialisé en Patrimoine Naturel du Maroc. Membre du Groupe Ornithologique du Maroc, il est également enseignant du premier module de « journalisme environnemental et scientifique » dispensé aux Masters en Journalisme à l’Institut For Leadership and Communication Studies de Rabat. Il a précédemment collaboré en tant que rédacteur en chef de Marocenaction.com au sein du comité de communication de la COP22. Il a également été l’expert environnement du Comité de Candidature du Maroc à la Coupe du Monde FIFA 2026.
Aujourd’hui plus que jamais, il faut penser à la place de la biodiversité dans nos vies, réfléchir aux moyens de la consolider dans le rural, et de la protéger -voire l’introduire en milieu urbain. Notre survie en dépend.
Les zones humides, sources inépuisables de ressources et de biens, ont été les premières zones où l’Homme a habité et l’endroit même où il est passé du statut de chasseur-cueilleur nomade à agriculteur éleveur sédentaire. C’est à ce moment-là que les hommes ont arrêté de « subir » la Nature, et ont commencé à tenter de la contrôler et à la « cultiver ». C’est le point de basculement où l’Homme au lieu de continuer à s’adapter à son environnement, a plutôt entrepris d’adapter son environnement à ses besoins. Pour cela, il n’a pas trouvé mieux que les zones humides qui regorgent de toutes les ressources pour une vie confortable. C’était il y a plusieurs milliers d’années, quelque part en Mésopotamie entre Tigre et Euphrate. Depuis, les hommes n’ont pas cessé d’évoluer.
Pendant l’ère industrielle, l’Homme a évolué plus vite en quelques décennies qu’il ne l’a fait en plusieurs millénaires. Certains scientifiques parlent déjà d’anthropocène alors que la démographie mondiale continue à prendre de l’ampleur, les ressources à se raréfier et la biodiversité à s’éroder. Cet état des choses impose de changer son rapport vis-à-vis de la diversité du vivant.
Pour donner toutes ses chances à la diversité biologique de se maintenir plus et plus longtemps -pour l’intérêt même des humains et de leur confort- il est aujourd’hui vital de consolider les écosystèmes qui se maintiennent encore, et d’en créer là où il y’en a plus. Cela dit, les écosystèmes « naturels » seront toujours plus riches et plus résilients que ceux aménagés « artificiellement ». C’est la raison pour laquelle, les villes et les zones urbaines doivent inventorier puis sanctuariser leurs petits « bouts de Nature » relictuels.
S’il n’est pas possible de tenter de freiner l’urbanisation, changeons alors son concept en y introduisant la composante biodiversité là où elle n’est plus, et en la sauvegardant là où elle vivote encore. Habitués à la dualité rural/urbain, il est probable que le futur nous réserve autre chose… le rural dans l’urbain et l’urbain dans le rural : seul moyen d’anticiper des territoires où l’Homme continue à se disperser avec cette fois des efforts d’adaptation, et des villes qui tentent de se désengorger et troquent un peu de leurs gris pour un peu plus de vert.
Un jour l’Homme a arrêté de s’adapter à la Nature pour tenter de l’adapter à ses besoins. Aujourd’hui il faut passer à une autre démarche : arrêter de vouloir adapter le peu de Nature qui se maintient, pour tenter de l’intégrer dans nos villes et dans nos vies.
Dans un contexte mondial qui prédit des périodes de crises climatiques et environnementales, les zones naturelles qui fournissent des services écosystémiques précieux sont des fournisseurs de confort et d’abondance. Au lieu de les détruire, il faut plutôt les sauvegarder et les connecter. À défaut, on devra payer pour ce que nos ancêtres ont pu avoir gratuitement et chemin faisant on hypothéquera l’avenir de nos enfants.
Paru dans A+E Architecture et Environnement au Maroc N° 12 – Décembre 2018