Ce n’est pas parce qu’on a changé de nom qu’on a acquis une nouvelle virginité.
Telle est l’histoire malheureuse de cette institution à la belle destinée et au projet vertueux qui a changé de nom à plusieurs reprises pour échapper aux procès dont il était naturel qu’elle devait faire l’objet. Dès sa création elle devait accompagner, entre autres, le secteur du bâtiment à devenir moins énergivore. La fabrication des chauffe-eaux solaires battait son plein dans le monde entier alors qu’au Maroc les quelques initiatives industrielles ont fini par trépasser par manque d’accompagnement et de clairvoyance de la part des responsables, le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER) en premier lieu. Ce dernier se contentant de fonder son fonds de commerce sur les certificats qu’il délivrait aux chauffe-eaux d’importation. Un véritable racket s’est organisé autour de cette manne facile qui a fini par faire du Maroc un des plus mauvais élèves dans le classement mondial.
Il y a quelques années, un coup d’éponge sur l’ancienne gestion et ses multiples failles allait donner l’espoir d’une nouvelle vision menée par une nouvelle équipe dirigeante. L’Agence de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE) – c’est comme ça qu’on baptisa pompeusement le nouveau bébé – est une entreprise qui devait révolutionner la démarche et mettre en place le Règlementation Thermique de la construction au Maroc (RTCM).
Elle commença par distribuer une aide de 10 millions d’euros à des chantiers de construction, dits exemplaires, afin qu’ils deviennent des modèles de gestion éco-énergétiques et puissent faire des émules. Leur nombre et distribution géographiques devaient être telles qu’ils seraient copiés un peu partout sur le territoire national et engendrer un élan vertueux. Ce sont seulement 9 chantiers au total qui ont bénéficié de cette manne à raison d’une moyenne de plus de un millions d’euros chacun.
Au lieu de s’approcher des associations, notamment celles des architectes et des promoteurs immobiliers, et toucher quelques 500 projets à raison de 200 000 dhs par projet bénéficiaire, l’ADERREE dans sa grande mansuétude a préféré faire court et vite. Les projets exemplaires n’ont donné lieu à aucune suite en dehors des sommes faramineuses sonnantes et trébuchantes encaissées par les heureux attributaires, qui du reste, pour la plupart n’avaient pas besoin de cet exercice de travaux pratiques.
Vint ensuite la RTCM, entrée en application depuis plus d’un an et demi et qui n’a pas encore vue la moindre application. Après avoir brassé de l’air à coup de tambours et trompettes, la règlementation est restée lettre morte.
Pourtant à l’annonce de ces nouvelles dispositions, de nombreux investisseurs se sont engagés dans des projets industriels et commerciaux afin d’être à l’heure du changement et répondre à la demande nouvellement créée par la nouvelle règlementation. Mal leur en a pris et aujourd’hui ils paient le prix de leur anticipation et broient du noir s’ils ne sont pas, tout simplement, en faillite.
Mais ce n’est pas grave puisque tout ceci est la responsabilité de la défunte ADEREE. Comme le Beaujolais nouveau, il y a aujourd’hui l’AMME une entreprise encore quasi-vierge de toute action qui reprend le flambeau… du naufrage. L’équipage, lui, est toujours à la barre.
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°152 – Juillet 2017
Fouad Akalay
