A la suite d’une étude qui passe en revue les différentes formes du phénomène, le ministère de l’Aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville, a présenté en mai dernier à Rabat la cartographie des risques de corruption dans les secteurs de l’urbanisme et de l’immobilier.
Dans ces pans de l’économie il est de notoriété publique que la corruption est perçue comme étant généralisée. Un phénomène complexe qui prend des formes et des dimensions multiples selon les situations qui se présentent.
Cette étude réalisée en quatre phases a concerné les villes qui connaissent le plus grand dynamisme immobilier au Maroc : Rabat, Casablanca, Tanger, Marrakech et Fès. Les initiateurs ont opté pour une approche globale et concertée qui implique les acteurs essentiels de l’acte de bâtir. Elle révèle que les principales formes de corruption retenues sont « les pots-de-vin » et les « dessous de table », l’extorsion, la fraude, le favoritisme et le détournement des biens ou services publics. Les deux pratiques les plus répandues étant les pots-de-vin et le « noir » qui représentent un taux de 78% des cas recensés.
Les deux freins majeurs à la dénonciation des situations de corruption par les citoyens sont liés à la peur de s’attirer des ennuis et à l’idée que toute plainte dans ce sens ne servirait à rien.
Les facteurs favorisant la corruption, ont révélé l’insuffisance des dispositifs de gouvernance, de suivi et de contrôle, les lacunes du cadre légal et réglementaire sans oublier la méconnaissance des procédures par les usagers et le non-respect de leur mise en œuvre ainsi que la vulnérabilité des victimes. Et les conséquences sont graves : détérioration des finances des victimes et de la compétitivité des entreprises, frein à l’investissement, atteinte à l’équité sociale et aux droits de l’Homme et au paysage urbain et la prolifération de quartiers non réglementaires menaçant la sécurité des citoyens.
101 risques ont été identifiés touchant quatre domaines, à savoir celui de la planification urbaine, celui de la préparation du foncier, la construction et les travaux et la commercialisation et l’attribution. La moitié des risques sont définis comme étant significatifs et 13% sont considérés comme des risques majeurs.
Pour lutter contre ce phénomène, le ministère de l’Aménagement du territoire national, de l’urbanisme de l’habitat et de la politique de la ville a mis en place un plan d’action. Cette feuille de route qui s’aligne parfaitement sur les orientations de la stratégie nationale de lutte contre la corruption est articulée autour de 9 chantiers. Ils portent, notamment, sur le renforcement des mécanismes de contrôle, le renforcement des dispositifs de gouvernance et la détection des cas de corruption et la répression des acteurs incriminés.
En attendant le retour d’expérience, saluons tout bas cette initiative courageuse qui, même si elle risque de ne pas porter ses fruits sur le court terme, imprimera un tournant majeur à mettre au crédit d’un ministre connu pour sa droiture et sa probité.
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°175 – Août/Septembre 2019