Certains architectes, peu nombreux, connaissent actuellement une situation professionnelle enviable. Contrairement à leurs confrères ayant pratiqué dans les années 70 et 80 sans laisser de traces dans l’architecture qu’ils exerçaient, ils érigent dans les règles de l’art, des bâtiments d’une grande qualité architecturale, dont certains resteront dans la postérité.
Gares, hôpitaux, hôtels, temples du commerce, écoles et universités marquent aujourd’hui les nouveaux paysages urbains de nos cités à l’instar de ces architectures de la première moitié du siècle passé, et même au-delà, nées de l’imagination fertile d’architectes, pour la plupart des européens, qui ont dû composer entre style international et spécificités locales sous le ciel clément et une liberté d’expression inconnus ailleurs.
Ce tableau reluisant que personne ne remet en question, ne peut cependant pas cacher que la majorité des architectes, vivent des situations peu enviables. Se contentant d’honoraires ridicules et faisant face à la concurrence déloyale des techniciens communaux complices des architectes signataires, ils sont responsables de constructions qui participent quotidiennement à l’enlaidissement de nos cités.
Cependant, contre vents et marées, et quoi qu’on en dise, la profession d’architecte s’organise chaque jour par tous les moyens qu’elle peut mobiliser. De nos jours les plateformes digitales permettent les échanges d’expérience, les représentants élus sont sollicités plus que jamais ils ne l’ont été. De cette effervescence nouvelle, portée par la technologie et la digitalisation, naîtra dans la douleur, un nouveau corps d’architectes. Mieux rémunérés, ayant des confrères plus chanceux comme « phares », ils vont finir par changer les paysages de nos villes. Certes, cela prendra du temps mais les ingrédients sont là et les nombreuses crises actuelles que connaissent ces Hommes de l’art ne sont que le présage d’une prise de conscience salutaire car tout enfantement se fait dans la douleur.
A moyen et long terme, l’architecture marocaine ne pourra que mieux s’en porter.
Car s’il est admis que l’architecture exprime en premier lieu une civilisation, Octavio Paz, poète mexicain du 20 ième siècle, a surenchérit en disant « L’architecture est le témoin incorruptible de l’histoire ». Et celle du Maroc moderne est en train de s’écrire.
*Astolphe de Custine
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°176 – Octobre 2019