La récente conférence de presse organisée par Archimedia, courant décembre, pour le compte du Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) et l’Association des architectes paysagistes du Maroc (AAPM), marque un pas déterminant dans l’affirmation de leurs métiers respectifs.
Dans les plus belles villes du monde, de Paris à Vienne, l’architecture paysagère jouait et continue à jouer un rôle déterminant dans le paysage urbain. Au Maroc Lyautey comprit avant tout le monde, en stratège éclairé, qu’il fallait s’entourer de grands architectes et architectes paysagistes pour bénéficier de leurs visions spécifiques. Les grandes villes marocaines comme Casablanca, Rabat ou encore Marrakech, bénéficient aujourd’hui, grâce à cette clairvoyance, d’une architecture remarquable et de poumons verts exceptionnels dans leur centre-ville.
Hélas, depuis l’indépendance il est malheureux de constater que les espaces verts ont été déclarées entités non grata par les promoteurs immobiliers aussi bien publics que privés. Les premiers par un manque manifeste de vision, se contentant de tracer des barres minérales sur les calques qui faisaient, à l’époque, office de supports de plans. Les seconds par cupidité, l’investisseur immobilier dans sa vision étriquée ne cédant pas un mètre carré d’espace en dehors des reculs édictés par la règlementation.
Résultat : des villes invivables qui s’étalent à l’horizon et alignent un spectacle désolant d’ensembles difformes. Fini les équilibres subtils entre minéral et végétal inhérent aux développements des médinas et les belles séquences vertes offertes par les quartiers coloniaux.
La politique de l’auto-construction, érigée en panacée universelle par les nouveaux stratèges des différents Ministres de l‘Habitat qui se sont succédés, règne en maitre absolu et a fait des ravages indélébiles dans tout le Maroc. En sus des tristes horizons urbains qu’elles ont produites, les constructions sont techniquement pauvres et loin des critères minima exigés par les fondements de la construction : l’art de bâtir a disparu !
Avec les changements climatiques que connaît notre planète nous nous rendons compte que nous n’avons pas été à la hauteur de nos ainés. Les règles de construction sont passées à la trappe, les édifices sont devenus des passoires, les revêtements des façades qui tombent en lambeaux et l’architecture paysagère travestie, au mieux, en verdurisme quand ce n’est pas en déchetterie.
Conséquence: des villes démunies contre les effets dévastateurs et implacables du changement climatique.
L’appel lancé par les architectes et architectes paysagistes au gouvernement, sous forme de mise en garde solennelle, lui demandant de remettre leurs métiers dans leurs véritables vocations, vient à point nommé au moment où le Maroc participait avec une importante délégation à la COP25 qui s’est tenue concomitamment à Madrid.
Faute d’avoir la vision d’un Lyautey, il est demandé à nos responsables en charge de la planification de nos territoires de prendre acte de l’échec actuel des politiques d’aménagement, qu’elles soient rurales ou urbaines et de permettre aux architectes et architectes paysagistes de remplir pleinement les tâches pour lesquels ils ont été formés.
Seront-ils écoutés ?
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°179 – Janvier 2020