En tertiaire, l’internet des objets apporte de nouvelles possibilités d’exploitation et de maintenance des bâtiments. L’internet des objets ou IoT – pour Internet of Things – consiste à raccorder divers objets à internet pour collecter leurs données de fonctionnement, les analyser, en tirer des informations et, très rapidement, des préconisations d’action. Sans l’analyse fine des données transmises par un objet connecté, y compris lorsqu’il s’agit d’une chaudière ou d’un bloc de ventilation, l’intérêt de sa connexion à internet est limité au contrôle-commande à distance.
L’enjeu des bâtiments très performants
En tertiaire, les bâtiments très performants consomment très peu d’énergie. Tout l’enjeu de leur exploitation consiste à mettre en place des systèmes d’alerte simples, efficaces et dont le coût économique ne soit pas disproportionné par rapport aux faibles montants financiers mis en jeu par leurs consommations d’énergie très réduites. En tertiaire neuf et particulièrement dans le cas de bâtiments très performants, l’IoT offre la possibilité de détecter très tôt les très faibles écarts de consommation d’énergie, les légères déviations de qualité de l’air intérieur, les dérives dans la consommation d’eau, etc. puis d’intervenir rapidement pour les rectifier. Imaginez une déviation de consommation d’énergie de 4 kWh/m².an dans un immeuble de bureaux des années 70 ou 80, avec une consommation de plus de 300 kWh/m².an : cette déviation passe inaperçue. Dans un bâtiment très performant qui vise une exploitation BEPOS (Bâtiment à Energie Positive), sanctionnée par un label HQE Exploitation par exemple, avec une base de consommation de 40 kWh/m².an, c’est une dérive de 10% de l’objectif annuel. L’exploitant doit donc s’en apercevoir très vite, comprendre la nature du dysfonctionnement et apporter rapidement un remède efficace. Depuis 40 ans, la GTB (Gestion Technique des Bâtiments) est là pour ça. Pourtant tous les bâtiments tertiaires sont loin d’être équipés en GTB. Si le bâtiment est pourvu d’une GTB et si le personnel d’exploitation maîtrise son utilisation, elle remplit parfaitement sa mission : assurer sur site un suivi efficace. Sinon, l’IoT offre une alternative à la GTB : il simplifie les architectures physiques de contrôle-commande des équipements techniques et transfère à des spécialistes et à la puissance du Cloud, le soin d’analyser les données collectées et de préconiser les actions nécessaires.
Quels objets connectés dans un bâtiment ?
Aujourd’hui, il existe déjà de nombreux objets connectés, généralement embarquant une connectivité LoRa. Nke Watteco, le spécialiste du comptage, propose plusieurs modules : un capteur raccordé à la sortie TIC des compteurs d’électricité électroniques, un capteur d’impulsion pour compteurs de gaz ou compteurs d’eau, un capteur combiné température/humidité, une prise intelligente actionnable à distance baptisée actionneur Smart Plug pour des charges jusqu’à 13,7 A sous 250 V, une tête de télé relève de compteur d’eau Sens’O avec une autonomie de 15 ans grâce à sa pile au lithium, un capteur pour report d’états doté d’une autonomie de 5 ans, un capteur analogique Press’O compatible avec toute jauge délivrant un signal 0-10 V ou 4-20 mA avec une autonomie de 5 ans pour 24 mesures et une transmission par jour, un capteur d’impulsions Sens’O avec 3 entrées d’impulsions. De son côté, Objenious, la filiale de Bouygues Telecom, propose sur son site, un catalogue de 59 capteurs de diverses natures compatibles LoRa. Les réseaux bas débit LoRa et Sigfox couvrent pratiquement toute la France. Dans leurs rêves les plus fous, les opérateurs de réseaux bas débit envisagent des millions, voire des milliards d’objet connectés. Dans les domaines qui nous intéressent, le bâtiment, l’énergie, l’eau, les déchets … les possibilités sont déjà immenses.
En bâtiment, quels moyens de communication pour l’IoT ?
Pour connecter un équipement technique à internet, trois solutions sont disponibles aujourd’hui. Une quatrième se profile qui risque de changer la donne et prendre le pas sur les trois autres. La première solution, la plus classique, consiste à relier l’objet en WiFi, LiFi, TCP/IP sur courant porteur, bus de terrain câblé ou en radio HF, Bluetooth, etc. à la connexion internet des bâtiments tertiaires. Cette solution convient aux équipements disposant d’une alimentation électrique permanente et suppose aussi une connexion internet permanente, disponible dans le bâtiment. La seconde solution consiste à équiper l’objet d’une carte SIM et d’utiliser un réseau de télécommunication sans fil en 2G ou 4G. Trois opérateurs de téléphonie – Orange, Bouygues Telecom et SFR – proposent des abonnements spécifiques pour ces besoins M2M (Machine to Machine), voire des solutions sans abonnement avec un paiement initial à la mise en service. Fin 2015, la France comptait environ 9 millions de cartes SIM consacrées à des communications M2M. Elles permettent des débits de données relativement importants, dans les deux sens, mais requièrent aussi une alimentation électrique permanente.
La troisième solution de connectivité fait appel à des réseaux Low Power Wide Area (LPWA). Ces réseaux LPWA offrent une communication sans fil à longue distance avec de faibles débits de données. Ils sont conçus pour minimiser la consommation d’électricité nécessaire à la communication. Ils s’adressent aux objets connectés fonctionnant à pile ou à partir de récolte d’énergie dont les besoins de transmission de données sont faibles : des compteurs, des sondes de divers types, … Les deux principaux sont LoRaWAN (Long Range Wide Aera Network) développé par la LoRa Alliance et les réseaux UNB (Ultra Narrow Band), dont le plus connu est développé par le français Sigfox. LoRa est utilisé en France par Orange et par Bouygues Telecom tandis que Sigfox s’est allié avec SFR. QOWISIO, une autre société française, se présente comme opérateur de réseau bas-débit à destination des PME et déploie son propre réseau utilisant les deux technologies UNB et LoRa à la fois. La quatrième solution arrivera en France en 2018 ou 2019, mais fait déjà l’objet d’expérimentations entre Matooma et l’équipementier Ericsson. Il s’agit de la 5G. Ce nouveau standard de communication sans fil offrira en en effet deux modalités de fonctionnement : avec carte SIM et abonnement pour la transmission très rapide d’énormes quantités de données ou bien sans carte SIM avec des débits moins importants.
Des communications IoT à très faible coût pour l’exploitation des bâtiments
L’une des promesses principales de l’IoT est de réduire les coûts, donc d’ouvrir la connectivité, le transfert de données et leur analyse, à des équipements qui n’étaient pas gérés par une GTB. Le français QOWISIO a proposé une nouvelle application de l’IoT fin 2016 : le suivi des caissons de ventilation. Un pressostat connecté en Sigfox ou LoRa selon les emplacements et la couverture des réseaux, est alimenté en électricité par le secteur ou par piles (5 ans d’autonomie). Il mesure régulièrement la pression en sortie de ventilateur, envoie les résultats vers le Cloud où une application les analyse, détecte les pannes (pression nulle), les dérives (pression en baisse), etc. et renvoie résultats et alertes vers une application sur smartphone ou par SMS vers des interlocuteurs désignés. Par chaque caisson équipé, QOWISIO propose un coût de communication de 1 € HT pour 10 ans soit 10 c€ HT/an.
La gestion de patrimoine connecté grâce à l’IoT
L’application par excellence des objets connectés en tertiaire est la relève des compteurs à distance. Le français m2ocity, qui s’appuie plutôt sur le réseau LoRa d’Orange, est un spécialiste de la relève des compteurs connectés. A la demande de ses clients, m2ocity est rapidement passé de la télé relève générale, à la télé relève de compteurs divisionnaires en eau, gaz, électricité. L’entreprise développe aussi des solutions de télé relève de chaleur ou de froid. Les données sont analysées à la fois par l’intelligence embarquée des compteurs, puis par les programmes du Cloud m2ocity. Ce genre d’exercice est particulièrement utile dans les bâtiments très performants. WinErgia et le groupe PERIAL ont équipé le bâtiment Etoile Pleyel (Carrefour Pleyel en Seine-Saint-Denis) des solutions de télé relève après compteur de m2ocity pour optimiser les consommations d’eau, d’énergie et réduire les charges des occupants. La performance d’un bâtiment n’est acquise dans le temps qu’avec la participation active de tous ses occupants. L’IoT met à leur disposition, de manière simple et compréhensible, toutes les informations dont ils ont besoin pour bien vivre et travailler dans un bâtiment très performant. Comme m2ocity le découvre en développant son activité, l’IoT apporte de nombreuses solutions à des problèmes qui ne se posent pas parce que personne n’a conscience de leur existence. Si un Maître d’Ouvrage ou un exploitant ne disposent d’aucune ou de très peu d’information sur les équipements techniques qu’ils gèrent – depuis les compteurs jusqu’aux ascenseurs -, ils n’ont aucune conscience des problèmes qui se posent. L’intervention de m2ocity et de ses concurrents a pour première conséquence de mettre à leur disposition une masse d’informations dont l’analyse révèle ce qui était ignoré jusqu’à présent. C’est pourquoi m2ocity, au-delà des solutions de connectivité des équipements et d’analyse des données, envisage volontiers l’évolution de sa mission vers une « gestion du patrimoine connecté ».
Source : Construction21 France