L’architecture est un art. Elle est manipulée par les architectes à la manière d’un potier qui utilise ses mains pour concevoir une œuvre en argile. Fragile, la terre cuite doit être manipulée avec soin et les architectes agissent de la même manière sur leurs travaux délicats. Les bâtiments en deviennent ainsi parfois de véritables œuvres d’art, choyées par leurs concepteurs dont l’ambition initiale est d’attirer le public, de le surprendre, de l’étonner voire de l’interroger, de l’émerveiller peut-être, en tout cas de stimuler ses sens. Mais cette vision de l’architecture semble s’effacer progressivement, notamment depuis les courants modernistes du vingtième siècle qui poussent à construire une ville plus fonctionnelle, plus optimisée… L’architecture peut-elle donc, aujourd’hui encore, stimuler nos sens et nous procurer une certaine excitation sexuelle ?
L’importance de la façade pour la sensualité de l’architecture
La façade est le premier élément d’un bâtiment que le public distingue. Vêtement de l’œuvre, elle révèle à elle seule le charme superficiel de la construction et est la première fenêtre sur son style et donc sur son caractère. La façade est aussi le principal composant qui définit la notion d’architecture aux yeux du grand public : un bâtiment pourra être qualifié de gracieux, d’élégant ou de laid dès le premier regard sur sa façade, qui restera souvent le dernier ! L’enveloppe du bâti se retrouve donc au centre des débats d’un public qui s’autorise à complimenter ou au contraire à humilier le bâtiment en le déshabillant d’un unique regard extérieur.
Parce que si la façade est le premier indice sur le caractère de l’œuvre, sur ses mœurs, elle est surtout cette enveloppe plus ou moins légère qui voile encore toute la sensualité de la construction. En analysant les œuvres architecturale à travers un simple regard sur leurs enveloppes, les passants ne cherchent donc plus à connaître la beauté intérieure du projet, mais uniquement sa façade, c’est-à-dire son allure vestimentaire qui semble devoir se conformer à toutes celles de son entourage pour ne pas qu’elle soit qualifiée aux yeux d’un public puritain d’obscène ou d’impudique.
L’audace et la volupté laissent place à une architecture pudique
Malheureusement, l’architecture semble devenir de plus en plus monotone, froide, contrainte par les règlements d’urbanisme qui se mondialisent. Elle est également devenue au vingtième siècle, lors du mouvement moderniste, plus objective que subjective, plus technique qu’audacieuse, mais aussi plus fonctionnelle et dirigée par des normes architecturales qui s’appliquent dans le monde entier et qui effacent le pouvoir de l’imagination des architectes et des urbanistes. La recherche de l’optimisation du monde urbain a progressivement construit des villes dans lesquelles le discours architectural est rythmé par la technique du tracé et de la volumétrie. Et le travail des façades est loin d’être exclu de ce phénomène, bien au contraire. Cette architecture qui se lisse, qui se conforme à ses semblables, efface la vision sur une architecture sexy et l’émotion architecturale laisse place à une géométrie omniprésente, aseptisée, plus pudique que sensuelle.
Avec ce regard qui se dessine sur l’architecture, plus fonctionnel et technique, en laissant de côté la force du subjectif, c’est le risque de devoir se conformer à une homogénéité générale du bâti, à un style quasi-obligatoire imposé par les règlements d’urbanisme qui sont plus réticents à l’idée d’une architecture dévergondée et voluptueuse.
La vision superficielle qui s’est donc construite sur l’architecture, par le biais de ses façades, couplée à une homogénéité et à une pudeur de plus en plus marquée, voile l’émotion que pouvait autrefois susciter l’architecture. Où est passée la flamme qui animait les sens au vu d’une architecture audacieuse et excitante ? L’enjeu de l’architecture est donc de retrouver l’essence de nos émotions.
Jouer avec les émotions pour donner envie de connaître intimement le bâtiment
Il apparaît donc nécessaire de revisiter ce qui atteint la curiosité du spectateur. Il faut laisser la ville se faire belle et permettre à l’architecture de nous exciter en nous dévoilant avec audace ses formes douces, gracieuses et qui stimuleront l’envie d’en apprendre davantage sur l’intimité du bâtiment. Il faut donner envie au passant de venir toucher l’enveloppe, caresser le derme du bâti, laisser deviner sa structure interne, ses poutres, ses poteaux, ses colonnes. Les ouvertures dans les façades doivent quant à elles permettre de percevoir suffisamment d’intimité du bâtiment pour laisser libre court à l’imagination du spectateur et aux fantasmes concernant ce qui s’y cache, sans pour autant en dévoiler l’entière anatomie. En bref, une architecture sensuelle devrait pouvoir donner envie de pénétrer dans le bâtiment afin de découvrir plus profondément et plus intimement l’œuvre stimulante.
Mais une architecture sexy n’est pas uniquement une architecture dont la silhouette est sensuelle. Au-delà de ça, il s’agit également d’une architecture profondément réfléchie, qui fait preuve d’un caractère qui lui est propre et qui s’exprime avec une élégance capable à la fois d’éveiller l’excitation et de donner envie de continuer à la découvrir davantage, rencontre après rencontre.
Pour une architecture stimulante !
L’idée est ainsi de réussir à utiliser les outils et la technologie à notre disposition pour traduire les désirs des citadins à travers une architecture dévergondée. Pourquoi ne pas inviter les citadins à rencontrer de nouveau l’architecture à travers une sensibilité qui atteint tous ses sens ? L’architecture pourra donc de nouveau être attractive et stimuler notre excitation si elle assume sa sensualité, si elle se dévoile aux yeux des spectateurs tout en restant suffisamment réfléchie pour assurer un rapport durable au sein d’une ville durablement séduisante.
Article publié sur lumieresdelaville.net
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