Aujourd’hui, nos territoires se transforment sous l’impulsion de la transition énergétique en réponse à l’urgence climatique et au besoin de résilience. Les collectivités sont placées au centre de ces enjeux et de nouveaux projets émergent. Parmi eux, les filières du gaz vert ont un véritable rôle à jouer, notamment avec le soutien de GRDF, qui initie et accompagne de nombreuses expérimentations pour accompagner ces évolutions.
Rencontre avec les acteurs du quotidien chez GRDF :
- Grégoire Boehm, Directeur territorial Lyon Métropole,
- Ludovic Gutierrez, Responsable grands comptes
- et Etienne Philippe, Chef de projets nouveaux gaz.
Ensemble, ils reviennent sur la dynamique forte enclenchée autour des gaz verts et illustrée par trois projets phares donnant à voir ce que pourraient être les mutations énergétiques dans les territoires.
Quelles expérimentations menez-vous actuellement sur le gaz vert ?
Etienne Philippe : Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe plusieurs façons de produire du gaz vert localement pour se passer du gaz russe à terme et plus largement pour réduire les importations de gaz fossile, tout en décarbonant les usages du gaz. La principale filière et la plus connue à ce jour est la méthanisation, qui permet de transformer des résidus agricoles, des biodéchets ou des boues d’épuration en gaz vert injectable dans le réseau, via un processus de décomposition biologique. La filière pyrogazéification peut quant à elle convertir en gaz des déchets solides (déchets de bois ou déchets mixtes issus de plateformes de valorisation) en les portant à haute température, avec peu d’oxygène car le but n’est pas d’incinérer la matière. Enfin, la filière power-to-gas, c’est-à-dire la production d’hydrogène à partir d’électricité, peut produire du gaz vert via une étape de méthanation (combinaison de l’hydrogène avec du CO2), on parle alors de power-to-methane. Aujourd’hui, GRDF travaille sur toutes ces filières, qui sont complémentaires et ont le potentiel de couvrir les besoins de gaz en France à horizon 2050.
Figure 1 : Schéma de la pyrogazéification
Figure 2 : Schéma du power-to-gas et de la méthanation
Grégoire Boehm : la Ville de Lyon s’est récemment engagée en faveur de la méthanisation. En effet, la municipalité a signé au 1er janvier 2022 un contrat ambitieux, stipulant qu’au moins 25% du gaz consommé pour chauffer les bâtiments publics, notamment les écoles, doit être d’origine renouvelable. Cela s’inscrit dans l’objectif neutralité carbone 2030 de Lyon. La ville est un très gros consommateur de gaz avec environ 900 bâtiments à chauffer pour 76 GWh. Dorénavant, elle souhaite couvrir 19 GWh de ses consommations par du biogaz. Pour mieux faire connaître le biométhane, nous avons organisé une session spécifique au « Club de l’Ours » appelée « Gaz vert, du producteur au consommateur ». Ce moment d’échange s’est déroulé dans les salons de l’hôtel de ville de Lyon avec la participation du maire et a permis d’illustrer l’économie circulaire permise par le biométhane.
Une des particularités du projet, au-delà de son envergure et de son ambition, est le fléchage de la production locale de gaz vert vers des bâtiments symboliques de la ville via un certificat. Aujourd’hui, la ville est approvisionnée en gaz vert par un agriculteur local de l’Ain, qui le produit à partir de déchets agricoles et de ceux de la collectivité. Ce producteur est en contact direct avec GRDF et la municipalité.
Enfin, la ville de Lyon a choisi d’intégrer les écoles dans la démarche en les sensibilisant sur celle-ci. Les élèves prennent part au projet, ils visitent des méthaniseurs, ils en apprennent plus sur les énergies renouvelables, etc. C’est une intégration pédagogique réussie !
Vous travaillez également sur des projets qui mêlent hydrogène et gaz. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Etienne Philippe : Il existe trois voies d’intégration de l’hydrogène dans le réseau : l’injection de méthane de synthèse, c’est-à-dire d’hydrogène converti en méthane après combinaison avec une source de carbone par méthanation, l’injection d’hydrogène en mélange dans le réseau avec du gaz, ou encore l’injection 100% d’hydrogène dans un réseau dédié.
GRDF a contribué au projet GRHYD à Dunkerque, démontrant dès 2018 la faisabilité de l’injection d’hydrogène mélangé jusqu’à 20% à du gaz dans les réseaux à l’échelle d’un quartier neuf. L’hydrogène était généré par électrolyse de l’eau à partir de l’électricité d’origine renouvelable non consommée par les habitants. Cela permet de valoriser/stocker ce surplus d’énergie. C’est un projet véritablement pionnier en France !
Désormais, GRDF prépare l’arrivée du méthane de synthèse, avec plusieurs expérimentations et projets industriels qui arriveront à très court-terme. Par exemple avec le projet Pau’wer-Two-Gas de la collectivité de Pau, qui a été lauréat de l’un de nos appels à projet sur la méthanation. Début 2022, la communauté d’agglomération a lancé la construction d’une unité de méthanisation des boues d’épuration sur son territoire. Le site sera également équipé d’une brique de méthanation pour valoriser en gaz vert 100% du CO2 issu de l’épuration, qui aurait été relâché à l’atmosphère autrement. L’hydrogène sera quant à lui issu d’électricité renouvelable produite localement. En combinant méthanisation et méthanation, la production de gaz vert sera presque doublée ! Le projet est en développement pour une mise en service en 2024, mais il est déjà très inspirant.
En parallèle, des travaux sont en cours pour assurer la possibilité de réseaux locaux 100% hydrogène, qui ne devraient cependant pas voir le jour avant 2030.
En quoi ces projets s’inscrivent dans une démarche d’avenir ?
Ludovic Gutierrez : Nous sommes persuadés que la transition énergétique se fera dans les territoires, au niveau local. Or, les trois projets évoqués précédemment sont tout à fait pertinents pour cette échelle. Ils permettent de répondre à un enjeu de création d’emplois locaux. En effet, l’ensemble de la filière du gaz vert pourrait générer 53 000 emplois dans tout le pays. De plus, ils participent à l’autonomie énergétique locale, un enjeu d’autant plus important au regard de l’actualité russe.
Grégoire Boehm : Les projets sont de véritables démonstrateurs. Ils prouvent qu’il est possible de mettre en place une production et une consommation de gaz vert au niveau local et surtout que c’est accessible aux collectivités. Même sur des grands territoires, comme la ville de Lyon ! Cette dernière, grâce à l’achat de gros volumes, a pu obtenir du gaz renouvelable à peu près au même prix que le gaz naturel. C’est une réalité durable, dont nous avons d’ailleurs de plus en plus besoin.
Etienne Philippe : Les expérimentations de Dunkerque et de Pau se penchent sur le rôle du power-to-gas et donc de l’hydrogène, qui pourrait avoir une place importante dans la transition énergétique, notamment pour assurer une flexibilité de la production électrique intermittente et aider à boucler le système énergétique à moyen et long terme. De plus, dans le cas de la communauté urbaine de Pau, le projet répond à une problématique qui concerne toutes les collectivités : la gestion des boues d’épuration. Nous avons pu constater que la méthanisation, qui permet un meilleur gain économique qu’une simple station d’épuration, vient compenser une partie des coûts de développement de la méthanation. Ces technologies sont donc financièrement accessibles. Cependant, comme toutes filières renouvelables, un soutien économique est nécessaire pour aider les premiers projets à expérimenter.
Quelles sont les prochaines étapes du développement du biogaz en France ?
Grégoire Boehm : C’est un fait, la transition énergétique se fera majoritairement via l’électricité et les énergies renouvelables. Nous allons devoir renforcer la complémentarité des réseaux afin d’assurer la continuité de l’approvisionnement énergétique, notamment lors des pointes de consommation. Aussi, il faudra mettre en place des systèmes énergétiques hybrides pour limiter ces pointes. En France, nous sommes assez en avance sur la production de gaz renouvelable puisque nous en produisons déjà 7 TWh alors que l’Etat nous attendait à 6 TWh en 2023. En 2050, la production nationale de gaz vert dépassera tous les besoins en gaz de notre pays. Nous avons la chance d’avoir déjà des réseaux présents pour le biogaz, il n’y a donc pas besoin de mener de gros travaux de ce côté pour en garantir l’approvisionnement.
Ludovic Gutierrez : En complément, il me semble essentiel de s’attaquer à la transition énergétique dans la mobilité puisque c’est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France. Le gaz vert est là pour apporter une réponse principalement pour la mobilité lourde.
Grégoire Boehm : Tout à fait ! C’est d’ailleurs la volonté du territoire lyonnais, qui souhaite continuer à développer le recours au gaz vert. Plusieurs projets de méthaniseurs sont lancés avec la Métropole et notamment celui de la méthanisation des boues issues de la station d’épuration de Pierre Bénite. De plus, le territoire se projette sur la mobilité au bioGNV. Par exemple, les bennes à ordures ménagères, bus et cars publics de Lyon Métropole sont de plus en plus alimentés par du bioGNV local, produit via la station d’épuration Aqualyon La Feyssine. Enfin, il existe actuellement un schéma directeur pour définir l’implantation des stations GNV dans la collectivité.
Etienne Philippe : Comme dit précédemment, l’essentiel de la production de gaz vert viendra de la méthanisation. Plus d’une vingtaine de projets de gazéification et de méthanation émergent actuellement en France. Ces filières devraient prendre leur essor dans les prochaines années, avec la standardisation du cadre réglementaire grâce aux premiers projets et la mise en place de dispositifs de soutien adaptés. La gazéification a un vrai rôle à jouer dans la valorisation des déchets résiduels difficiles à traiter. Enfin, la méthanation pourrait permettre d’atteindre 40 TWh si de tels projets sont adossés à chaque méthaniseur, comme à Pau, en complément d’usages directs de l’hydrogène. Tout s’accélère !
Article publié sur Construction21 France
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