Enfin! Le carnet numérique d’information, de suivi et d’entretien du logement sera applicable pour le neuf en 2020 et pour l’ancien en 2025. Ce projet tant attendu par les acteurs de la rénovation énergétique, a suivi un parcours tortueux. Il figurait dans la Loi de transition énergétique, mais il avait été rendu inapplicable pour des raisons juridiques. Il figure désormais dans la Loi ELAN, et à Novabuild, nous nous en réjouissons. Loin d’être une nouvelle contrainte, faisons de cet outil un vecteur de développement du numérique dans le BTP et l’immobilier, appuyons-nous sur la transparence qu’il générera pour créer de la valeur et déclencher de nouveaux comportements vertueux, et surtout, rendons le utile à la fois pour les occupants (propriétaires, locataires, etc.) afin de leur faciliter le pilotage de leur logement, et pour les professionnels qui le feront exister s’il leur apporte un service nouveau.
Une expérimentation nationale
L’Etat a profité de l’espace entre les 2 Lois pour procéder à une expérimentation nationale. Saluons une fois encore cette « intelligence réglementaire » qui consiste à expérimenter avant d’imposer. Le Plan de Transition Numérique du Bâtiment (PTNB) s’est vu confier par l’Etat le pilotage de cette expérimentation tout au long de l’année 2017. Un appel à projets avait été lancé fin 2016, 11 projets avaient été retenus avec l’objectif de créer des premiers retours d’expérience et mesurer la valeur ajoutée des carnets de suivi numérique. 3000 carnets ont été expérimentés et 150 000 particuliers ont été sensibilisés au sujet.
Pourquoi est il nécessaire de créer le carnet du logement ?
Au-delà du fait que le bâtiment soit le seul produit pour lequel au moment de l’achat il ne soit pas remis un manuel d’informations, le carnet numérique doit permettre de stocker et partager des données, suivre les actions sur le bâtiment, préconiser des travaux, suivre les performances, notamment énergétiques, avancer sur la domotique, faciliter le transfert du bien avec des informations pratiques, etc.
À Novabuild et dans le prolongement des actions menées par le Plan Bâtiment Durable en 2014-2015 sur la carte vitale du bâtiment, nous avons acquis la conviction que le carnet de suivi numérique du logement était un levier stratégique pour faciliter la rénovation énergétique des logements. Dès 2015 nous avons lancé notre premier groupe de travail, avec le soutien de l’ADEME dans le cadre du projet TIPEE.
Le Conseil Régional des Pays de la Loire a introduit l’expérimentation du Carnet dans sa feuille de route de transition énergétique en 2016.
Le groupement Wiki-Habitat
Nous étions donc en ordre de marche pour pouvoir répondre à l’appel à projets du PTNB, et nous avons fait partie des 11 lauréats.
Notre consortium qui a travaillé tout au long de l’année 2017 a choisi pour nom Wiki-Habitat. Il a été constitué d’un opérateur numérique d’un agent immobilier, d’un groupement d’architectes, d’une entreprise de renovation, d’un bureau d’étude, d’un cabinet conseil stratégique et d’un cabinet d’avocat.
Les 3 caractéristiques à retenir pour le carnet numérique du logement :
Le numérique : Le carnet numérique doit permettre un changement de nature par rapport à tout ce qui a été fait jusque là. Ce n’est pas simplement une bibliothèque de documents en format Pdf comme le DPE par exemple. Le carnet doit avant tout reposer sur le big data. On sait aujourd’hui affecter une grande quantité d’information à une adresse postale que l’on utilisera comme identifiant. C’est ce que nous avons appelé le niveau 1 du carnet. Il préexiste avant tout type d’intervention sur site. Il peut reposer sur certains algorithmes qui vont combiner plusieurs informations pour tirer un portrait type du logement. Cette question du big data a été le véritable apport de Wiki Habitat à l’expérimentation, et son originalité par rapport aux 10 autres démarches.
L’utilité : Nous avons la conviction que le carnet n’est pas une nouvelle contrainte mais n’arrivera à s’imposer qu’en développant des fonctionnalités utiles aux occupants et aux professionnels. Le niveau 2 du carnet, pour nous, repose sur l’expertise de l’occupant lui-même. Il peut vérifier la véracité des informations contenues dans le niveau 1. De plus, de nombreux professionnels viennent dans son logement (on en dénombre 7 tous les 2 ans en moyenne), ils peuvent aussi venir compléter l’information (sur la chaudière, sur les cotes de telles menuiserie, etc.). Nous nous sommes attachés à Wiki-Habitat à étudier dans quelles conditions le professionnel pourrait être amené à renseigner et compléter le carnet, et quel pouvait être son intérêt direct et indirect.
La transparence : Nous pensons à Novabuild que la transparence crée de la valeur et permet le changement de comportement par la visibilité de l’existant. C’est pourquoi nous nous réjouissons de sa mise en place dans la Loi ELAN. Le carnet de niveau 3, celui que tous avaient en tête au départ, c’est un outil complet où les informations sont vérifiées par un expert qui va préconiser les travaux et le cas échéant les échelonner dans le temps. L’apport de wiki-Habitat c’est que on peut avoir déjà un bon niveau d’information sans contraindre 25 millions de logements à procéder à une expertise complète et fouillée qui coûte plusieurs milliers d’euros.
Nous avons organisé le 20 mars 2018 un retour sur notre année d’expérimentation. Si la Loi ELAN rend le carnet obligatoire pour le neuf en 2020 et pour l’ancien en 2025, elle n’en précise pas les contours, ce sera l’objet des décrets d’application.
Quelle sera la voie qui sera choisie par l’Etat pour mettre en place le carnet numérique du logement?
Nous avons avec Wiki-Habitat recensé 3 types de modalités pour mettre en place le carnet.
• – Il s’agit d’une part d’un modèle de « laisser faire » qui repose sur une sorte de « Just do it » avec assez peu de contraintes. L’avantage est que le marché imposera le carnet par la fonctionnalité, de nombreux opérateurs s’installeront, et chacun fera son choix. Il y a derrière ce modèle de grands risques d’instabilité, et de faible transfert de données au moment de la mutation des biens, ainsi qu’une faible visibilité pour l’usager. Au bout du compte, cette formule risque de nous faire passer à coté de l’objectif et pourrait ne pas être un levier venant faciliter la rénovation.
• – Le modèle inverse est celui de la carte vitale. Il repose sur un système centralisé, reposant sur un opérateur unique. Il a l’avantage de la sécurité, et l’inconvénient du coût pour l’Etat, et peut être aussi d’un manque d’agilité, nécessaire du fait de la très forte évolutivité des questions numériques.
• – Nous préconisons un autre modèle, celui de la concession, comme par exemple pour la téléphonie. Cela suppose de la part de l’Etat la rédaction d’un cahier des charges précis avec des obligations de la part des futurs opérateurs, notamment en termes d’intéroperabilité (pour faciliter le changement d’opérateur par exemple), de respect de la sécurité des informations confidentielles, de pérennité, de coût maîtrisé, d’utilité pour les professionnels, etc. L’Etat lancerait ensuite une consultation pour retenir 2 à 4 opérateurs, qui seraient visibles, connus et reconnus et pouvant monter en compétence sur le marché de l’information du logement.
Concrètement, nous pensons que le diagnostic de performance énergétique (DPE) doit être la première brique du Carnet. Il est réalisé à chaque mutation des biens. Cela ne doit plus être un document PdF mais un ensemble d’informations saisies dans le carnet numérique du logement.
Novabuild relance son groupe de travail
Compte tenu de l’importance des enjeux de l’information du logement, Novabuild a décidé de relancer la question par un Groupe de travail qui s’est réuni une première fois le 2 octobre 2018 et dont la prochaine rencontre sera le 16 novembre. Ce groupe est ouvert à tous les acteurs qui souhaitent s’associer à nous pour faire du Carnet un outil utile à la transition énergétique des logements. Parce que nous voulons que le carnet soit un outil utile, nos chantiers seront de continuer d’avancer sur la question de l’utilisation du carnet par le professionnel et sur la question de la contribution du carnet à la planification des travaux.
Pierre-Yves Legrand
Directeur de Novabuild
Source : Construction21 France