Devenir une « Smart City », c’est à dire une ville où l’on prend conscience, malgré l’urbanisation galopante, de la protection de l’environnement et du bien vivre ensemble des citoyens qui l’habitent, c’est désormais l’objectif des gestionnaires des grandes métropoles américaines. Une équation pas facile à résoudre aux USA, pays qui fait plus souvent appel aux technologies qu’à l’intelligence collective. La course vers la ville intelligente est lancée comme l’explique Llewellyn King, producteur exécutif et animateur de « White House Chronicle » sur la chaine publique américaine PBS.
« Avant les années 90, l’Irlande pensait qu’elle ne pourrait pas rivaliser avec les autres » explique Llewellyn King.
« Son système ferroviaire était primitif, ses ports étaient désuets et petits, et l’on devait partager les route avec des moutons ou des tracteurs transportant des wagons à tourbe ». L’Irlande était alors condamnée à être l’un des pays les moins compétitifs d’Europe, lequel continuerait à afficher un chômage « structurel » de 20% et plus.
« Puis un miracle survint », poursuit l’animateur de PBS (Public Broadcasting Service) « l’Irlande a combiné ses plus grands atouts – l’alphabétisation et l’enseignement supérieur – avec la révolution informatique. Elle est devenue un pays en plein essor ». Plutôt que d’exporter ses produits du terroir, a accueilli les grandes entreprises informatique et d’Internet. « Le pays est même devenu le centre de calcul pour l’Europe et les entreprises américaines et asiatiques ont afflué. L’Irlande s’est réveillée », appuie Llewellyn Kin.
L’expérience irlandaise a donné des idées aux métropoles américaines qui tentent de rivaliser en termes d’habitabilité et de dynamisme commercial. C’est le cas des villes du Midwest américain ou du nord de l’État de New York qui tentent d’effacer leur passé de « Rust Belt » (ceinture de la rouille) en se trouvant un nouvel avenir en tant que villes intelligentes, avec l’objectif d’attirer des entreprises centrées sur l’investissement et les nouvelles technologies.
« Encore peu investies dans la démarche, des grandes villes comme Rochester ou San Antonio, cherchent à se faire remarquer, même si ce qui rend une ville vraiment intelligente, reste à définir », poursuit le producteur.
Selon Llewellyn King, une étude mondiale, réalisée par l’Eden Strategy Institute de Singapour, place Londres au premier rang mondial des Smart City et Singapour au second. Aux États-Unis New-York mène le bal, suivi de près par Boston. Rochester est sur la liste des 12 villes américaines, sur les 50 référencées dans le monde. « De nombreuses petites villes américaines, dans lesquelles l’ancien monde de brique rencontre celui, nouveau, de l’intelligence artificielle, sont également dans la course pour devenir les plus intelligentes ».
Le producteur constate que ce souvent les géants du téléphone, les sociétés d’électricité, une grande variété de fournisseurs de logiciels et de consultants qui sont à la manœuvre derrière les gestionnaires des villes. Ils espèrent trouver là un marché fleurissant, même si celui-ci est fortement concurrentiel. Les compagnies de téléphone compte sur la technologie émergente 5G comme mode de communication entre machines et systèmes. IBM s’intéresse à tous les aspects de la ville du futur, notamment l’utilisation de la blockchain en tant que principal acteur de l’enregistrement. Amazon veut commencer les livraisons intelligentes, peut-être par drone.
« L’effet de l’informatique sur la manière dont nous vivons est déjà perceptible partout »
« Les plus grands cabinets d’avocats sont aux avant-postes pour rédiger les contrats et guider leurs clients, certains créant même et c’est d’ailleurs inhabituel, des groupe de réflexion sur la ville intelligente », affirme le producteur. Mais la mise en œuvre nécessite l’approbation de la politique locale laquelle échappe à Washington.
« Comme pour beaucoup de choses, la technologie peut changer notre quotidien autant ou plus que la politique », justifie Llewellyn King . « L’effet de l’informatique sur la manière dont nous vivons est déjà perceptible partout ». Des scooters particuliers ou des coursiers, du covoiturage à la location d’appartements, de plus en plus de monde de monde se déplace en mode connecté, utilisant les réseaux informatiques et GPS.
« Par la suite, les technologies intelligentes pourront décider comment les voitures électriques seront facturées et comment les véhicules autonomes pourront fonctionner dans les villes et où ils pourront se stationner », poursuit le producteur TV.
Pour ce dernier, l’électricité et la téléphonie sont les éléments essentiels de l’intelligence de la ville, tout au moins aux USA, puisque, outre l’évolution vers des nouvelles technologies, ils sont capable de prendre en compte le fonctionnement des anciennes infrastructures, de la surveillance des pipelines aux systèmes d’eau, en passant par les routes et même des feux de circulation.
Les villes américaines se sont donc engagée dans la course à la ville intelligente, mettant en avant le coté technologique, conseillées qu’elles sont par les entreprises et les cabinets d’avocats, lesquels voient avant tout leur intérêt. Et dans cette mutation, les citoyens, concernés au premier chef par le développement de leur ville de résidence ou de travail, sont tout simplement oubliés. De même que la notion environnementale. Llewellyn King appuie même sur cette notion de modification structurelle et technologique des villes, considérant que celles qui ne prendront par le train de la « smart » en marche risquent de devenir des « villes stupides »
Source : villeintelligente-mag.fr /
Ecrit par YANNICK SOURISSEAU
Web journaliste et rédacteur en chef
de Ville Intelligente Mag
Formateur journalisme en ligne
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°165 – Octobre 2018