Après des années de conflit d’intérêts, l’Association Professionnelle de l’industrie céramique (APIC) et l’Association nationale des professionnels de la céramique et du second œuvre (APISA), viennent de signer un protocole d’accord ou gentlemen’s agreement. Le secteur se portera-t-il mieux à l’avenir ? L’entente tiendra-t-elle la route ? L’avenir nous le dira.
Les axes importants de cette entente portent sur le développement de la coopération sur le marché domestique et celui de l’export, l’engagement des parties à la promotion de la production locale, ainsi que sur la lutte contre la contrebande.
Pour rappel, les deux Associations s’étaient livrées pendant plusieurs années à une guerre sans merci, durant laquelle elles s’accusaient mutuellement d’être la cause de« l’effondrement » du marché local.
Youssef Belkaid, président de l’Apisa, justifiait la position des importateurs en accusant l’APIC d’adopter une politique protectionniste qui lui a conféré un monopole de plus de 20 ans sur le marché local. Le 23 novembre dernier, Mohsine Lazrak, président de l’APIC, a fortement plaidé pour l’adoption de mesures antidumping afin de protéger le produit local. En effet, tout en rappelant que les céramistes nationaux ont déposé une requête pour une enquête antidumping contre les importations de céramique en provenance d’Espagne, Mohsine Lazrak avait également encouragé la mise en œuvre de dispositions censées réduire l’impact du dumping opéré depuis plusieurs années.
Le président de l’APIC justifiait sa position en mettant en exergue le fait que plusieurs unités industrielles ont été obligées de fermer temporairement ou de façon définitive à cause du dumping. Sur ce registre, l’APIC a toujours exprimé son insatisfaction, voire sa déception quant à la limite des droits de douanes additionnels adoptés par les autorités sur toutes les importations de céramique, et ce justement dans le cadre de la protection de la céramique locale contre les importations massives.
Après plusieurs tentatives de trouver une solution durable et équitable, les deux associations ont signé récemment un Gentlemen’s Agreement ou Protocole d’Accord, qui, concrètement, enterre la hache de guerre, et ce en en prévoyant plusieurs points de coopération et de collaboration pour la promotion de la qualité et de la production locale.
De fait, selon le Protocole d’Accord, « les deux parties s’engagent à mettre tout en œuvre pour organiser au minimum deux réunions par an dans le but d’aborder les difficultés qui peuvent être rencontrées par les parties dans le cadre de leurs activités sur le marché nationale et à l’export …. », comme il prévoit également un peu plus loin le partage d’informations non confidentielles qui peuvent notamment « permettre aux parties d’améliorer leurs activités ».
En outre, selon cet Accord, l’Apic et l’Apisa « collaboreront pour l’élaboration et la mise en place d’un cahier des charges à appliquer aux importateurs. Ce cahier de charges fixera les exigences minimales relatives aux spécificités techniques des marchandises et aux capacités matérielles, organisationnelles et humaines à respecter par les importateurs de carreaux céramiques ».
D’autres dispositions devraient favoriser la production locale dans cet accord ambitieux que les professionnels les plus aguerris n’attendaient plus. Mais combien de temps tiendra-t-il ?
La rédaction
3 questions à :
Mohsine LAZRAK
Président de l’APIC
« L’engagement des parties à la promotion de la production nationale montre à quel point les enjeux économiques et sociaux sont importants »
Après une grande période de discorde, comment s’est opéré le rapprochement avec l’APISA ?
Mohsine Lazrak : Malgré la discorde entre l’APIC et l’APISA, il y a toujours eu un dialogue où les idées se confrontaient. Mais, il n’existait pas alors un consensus sur les différents problèmes qui nous préoccupent. C’est à travers ce dialogue continu que les points de vue se sont rapprochés et que les préoccupations des uns et des autres ont été prises en compte de part et d’autre.
Concrètement, que rapporte ce protocole d’accord à l’APIC et à l’APISA ?
M.L : Le protocole d’accord entre l’APIC et l’APISA a l’avantage de bien définir les préoccupations de chacun et de proposer des solutions qui ont fait l’unanimité. Il faut savoir, afin de bien comprendre les enjeux de cet accord, que l’APIC représente les producteurs nationaux des carreaux céramiques et que l’APISA représente des distributeurs du même produit par l’importation ou/et par l’approvisionnement en produits locaux. De là, la coopération sur le marché domestique devient plus facile à appréhender et le marché de l’export un défi et un enjeu pour les deux associations.
La création d’un statut d’importateur de carreaux céramiques est un enjeu capital, car il professionnalisera le métier d’importateur des carreaux céramiques et l’encadrera. Et de ce fait, le marché régulé.
L’engagement des parties à la promotion de la production nationale montre à quel point les enjeux économiques et sociaux sont importants et que, d’une certaine manière, la préférence nationale est un sujet d’actualité qui devrait préoccuper l’ensemble du secteur du bâtiment.
La lutte conjointe contre la contrebande rendra notre action plus pertinente et plus efficace.
Voilà donc les principaux points de cet accord, qui nous l’espérons, renforcera l’industrie nationale et le rayonnement de notre pays.
Quelle marge de progression pour la céramique au Maroc ?
M.L : L’engagement des deux parties de se conformer aux normes nationales et internationales et de les développer pour obtenir un produit conforme aux attentes des consommateurs au Maroc ou à l’étranger, est un atout majeur, car il rendra notre industrie plus compétitive et éliminera de facto, l’importation de produits de basse ou mauvaise qualité.
La promotion de nos produits à l’export permettra à notre industrie de se développer d’une façon significative en termes de quantité, et de ce fait rendra les sites de production plus performants en atteignant des tailles optimales.
Nous pouvons estimer dans une hypothèse optimiste, un accroissement de la production nationale de 20 à 30%, ce qui aura une répercussion positive sur le marché du travail et sur la productivité.
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°158 – Février 2018