Le DIDA, Département d’Architecture de l’Université de Florence, a organisé au début de l’été un séminaire international ayant pour thème « Nature and culture based solutions for innovating new mediterranean cities ». Des professionnels marocains ont été invités à partager leurs expériences.
Les villes sont devenues un point de concentration crucial de problèmes complexes allant des effets néfastes du changement climatique à l’aggravation des problèmes de santé physique et psychologique, en passant par les inégalités, l’aliénation, la réduction des opportunités économiques, la fragmentation sociale et les conflits.
Dans le même temps, les villes sont des laboratoires vivants, des sites d’expérimentation pour coproduire des solutions innovantes aux défis mondiaux contemporains, transformant les problèmes émergents en opportunités, afin de définir un modèle de développement urbain cohérent avec les objectifs de la croissance intelligente de la société, tel que postulé au point 11 des objectifs de développement durable (ODD) à l’Horizon 2030 : rendre les villes inclusives, sûres, résilientes et durables.
Pour atteindre ces objectifs, la recherche doit être orientée vers une approche interdisciplinaire qui inclut de plus en plus les disciplines de la planification, des sciences humaines et de la technologie, en particulier les TIC, dans une perspective d’innovation durable, visant à :
• promouvoir la compétitivité de l’économie mondiale en appliquant des modèles de développement local durable qui favorisent la participation sociale et l’innovation ;
• promouvoir un développement équilibré des zones urbaines et métropolitaines visant non seulement au bien-être des habitants mais également aux territoires environnants ;
• lancer des projets d’innovation sociale pour encourager l’expérimentation de nouvelles idées et de projets répondant aux besoins non satisfaits exprimés par les secteurs public et privé ou promus par des citoyens responsables ;
• Soutenir les secteurs liés à l’économie verte, à l’éco-innovation, à l’économie sobre en carbone, à l’utilisation rationnelle des ressources et à l’amélioration de la qualité de l’air, aux systèmes de transport, au traitement de l’eau et des déchets, ainsi qu’au développement de systèmes de technologie environnementale ;
• intensifier les efforts pour protéger et sauvegarder le patrimoine culturel et naturel du monde ;
• renforcer l’utilisation de matériaux et de ressources locaux et innovants, éco-durables et de l’économie circulaire.
Une participation marocaine très visible
Le séminaire international organisé par le DIDA a donné une large place à l’expérience marocaine. Plusieurs opérateurs nationaux ont fait des exposés dans les domaines d’expertises qu’ils maitrisent ou dont ils ont en charge les opérations. Ci-dessous nous passons en revue 3 intervenants :
• Fouad Akalay, architecte et directeur général du groupe Archimedia
• Imane Bennani, architecte et directrice de l’Ecole d’architecture de l’UIR ( Université internationale de Rabat).
• Mounia Diaa Lahlou, architecte et directrice développement de la SADV (Société d’aménagement et de développement vert) du groupe OCP.
« Pour un label marocain et une approche vertueuse de la construction durable au Maroc »
Fouad Akalay : En tant qu’architecte et directeur de publication du magazine phare de l’architecture marocaine A+E ARCHITECTURE ET ENVIRONNEMENT AU MAROC, Fouad Akalay bénéficie d’une large vision de la pratique architecturale telle qu’opérée par ses confrères.
Il passe d’abord en revue quelques exemples édifiants de projets qui s’inscrivent dans la « construction durable » dont certains ont fait l’objet d’une certification internationale (HQE, LEED …) et d’autres non. Ainsi en est-il du Centre d’Education pour l’Environnement de l’’architecte Layla Skali ou encore de la Maison B autonome conçu par le couple Myriam Soussan et Laurent Moulin et qui proposent des démarches très contextuelles loin des stéréotypes commerciaux importés qui n’apportent pas toujours le confort attendu confinant l’espace dans une bulle étanche qui tient plus du thermos que du cocon de vie.
En dehors des aspects techniques il y a tous les volets sociaux et environnementaux qui conduisent à une vraie réflexion sur la nécessité de repenser la faisabilité de mise en place d’un label marocain pour les projets situés au Maroc.
Visionnaire, cette démarche avait déjà initié en 2009 par une association cofondée par Archimedia, l’AMCOD (Association marocaine pour la construction durable). Elle a fédéré autour d’elle les principaux acteurs de l’acte de bâtir : ministère, ordre des architectes, les ingénieurs, les industriels etc…
Le manque d’intérêt des opérateurs nationaux, guidés et aveuglés par la facilité et le suivisme généralisé envers les « produits et services importés » ont mis en échec cette dynamique qu’il faudrait reprendre de toute urgence.
« Stratégies urbaines et accès au logement. L’expérience du Maroc entre réalisation et formation académique »
Imane Bennani : La communication a traité des différents aspects du défi urbain que doivent relever les pouvoirs publics marocains ainsi que les problématiques se manifestant en l’accroissement démographique conjugué à l’exode rural entrainant une urbanisation accélérée et par conséquent une amplification des besoins en logements.
Parmi les résultats de cette urbanisation, l’on peut noter la prolifération de l’habitat insalubre et une extension urbaine à la périphérie des villes et des agglomérations.
Face à ce contexte, des stratégies urbaines sont déployées pour maîtriser l’urbanisation et garantir l’accès à un logement décent. On peut résumer les grands axes de cette stratégie en : la lutte contre l’habitat insalubre, la promotion de l’habitat social, la politique des villes nouvelles, l’initiation des grands projets urbains, la revalorisation du patrimoine ainsi que le traitement de la problématique de l’habitat menaçant ruine. Enfin, la communication traite du rôle de la formation académique et les perspectives intégrant cette réflexion.
« La ville verte Mohammed VI à Benguerir »
Mounia Diaa Lahlou : Première au Maroc, la ville verte Mohammed VI est une ville nouvelle située en limite sud de la ville de Benguerir et s’inscrit dans le cadre du renouveau économique et social du territoire des Rehamna, en tant qu’espace socio-économique intégré.
Le projet de la Ville Verte représente l’opportunité de mettre en œuvre les concepts de développement durable les plus actuels appliquées à l’urbanisme. Ainsi la Ville Verte est organisée à partir de 2 maillages qui se superposent : un maillage est affecté aux voies de dessertes des véhicules, l’autre est celui des cheminements doux accueillant piétons et vélos. Ce maillage a été conçu pour permettre aux bâtiments de la ville de bénéficier de la meilleure orientation solaire et de créer les ombrages nécessaires à la protection de l’espace public.
Les déplacements de proximité sont majoritaires en ville et trop souvent effectués en voiture. La Ville Verte inverse cette tendance et développe des modes doux de déplacement pouvant devenir prioritaire à terme ; favorisant une nouvelle qualité de vie et qualité de « la ville » dont les facteurs sont des espaces publics attractifs, une proximité des services, une autre façon de se déplacer moins coûteuse et plus conviviale.
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°176 – Octobre 2019