Le système de qualification et de classification (SQC) des entreprises de bâtiment et de travaux publics (BTP) a été institué par le décret n°2.94.223 du 16 Juin 1994. Il a été conçu comme un outil entre les mains des maitres d’ouvrage et leur permet d’avoir une assurance raisonnable sur les capacités et les qualifications des entreprises contractantes avec l’Administration, à honorer leurs engagements, notamment, en ce qui concerne leurs compétences et expériences pour assurer la bonne exécution des travaux sur les plans quantitatif et qualitatif et dans les délais contractuels. L’évaluation de ce système a permis de relever plusieurs observations dont les plus importantes sont présentées dans ce rapport de la cour des comptes.
Multiplicité des systèmes de classification appliqués par les ministères
Les modifications apportées au décret des marchés publics en 1998, 2007 et 2013, ont introduit la possibilité de remplacer le dossier technique exigé des concurrents, par le certificat de qualification et classification. Cependant, le fait de ne pas soumettre l’ensemble des entreprises du BTP aux mêmes règles d’accès à la commande publique en raison de la multiplicité des systèmes de classification appliqués par les ministères, notamment en ce qui concerne les différences dans les seuils applicables, peut induire le risque de non-respect du principe de la concurrence et de l’égalité d’accès à la commande publique. En outre, le certificat de qualification est considéré non obligatoire pour les marchés publics dont le montant est inférieur aux seuils fixés par arrêté du ministre concerné à ce sujet. Ce qui rend la détermination de ces seuils par arrêté ministériel contradictoire avec la logique sur laquelle s’est basé le décret des marchés publics en ce qui concerne l’élévation du seuil des bons de commande.
Système complexe et manque de transparence
Le SQC actuel est caractérisé par la complexité des normes de qualification et de classification d’une part, et par le manque de transparence dans la méthode de calcul de certains paramètres et ratios, d’autre part. Cette situation se traduit par le manque de précision dans l’application de certaines conditions de qualification, notamment en ce qui concerne les requis et à la masse salariale déclarée. En effet, les moyens humains et matériels qui sont à la base de l’octroi du certificat à l’entreprise peuvent ne pas être disponibles tout le temps, ou peuvent diminuer ou se dégrader avec le temps. En outre, le choix d’une entreprise qualifiée et classée doit prendre en compte, en plus du certificat de qualification, son plan de charge qui doit être apprécié en tenant compte des principes de la concurrence et de l’égalité d’accès à la commande publique.
Absence de mécanismes de suivi
Si le SQC est censé donner une assurance raisonnable en ce qui concerne les capacités professionnelles, techniques et financières des entreprises, alors, il ne peut atteindre un tel objectif que s’il repose sur un mécanisme permanent pour évaluer la performance des entreprises. À cet égard, il a été noté qu’il n’y a pas de mécanismes de suivi aux niveaux des Ministères qui ont adopté le SQC (Equipement, Agriculture, Habitat et Eaux et Forêts). Tout en sachant que le choix d’une entreprise qualifiée et classée ne conduit pas systématiquement à l’exécution complète et bonne des marchés de travaux. En effet, il est difficile de garantir de bons résultats et une bonne exécution des marchés publics en se basant uniquement sur la classification ou la qualification des entreprises, en raison, en particulier, de l’absence de l’information des commissions de qualification et de classification de la part des maitres d’ouvrages des problèmes rencontrés dans la mise en œuvre des marchés, ainsi que la non prise en compte d’autres facteurs tels que les plans de charge des entreprises. Par ailleurs, à partir de l’analyse des dossiers des entreprises sanctionnées, il a été remarqué que deux entreprises seulement ont été sanctionnées sur la base des données signalées par les maitres d’ouvrages, ce qui confirme le rôle limité du mécanisme mis en place pour le suivi des opérations exécutées par les entreprises dans le cadre des marchés publics, et de son degré de respect des conditions exigées.
Absence d’accord entre les partenaires
En ce qui concerne la relation avec les professionnels, il est à signaler qu’un contrat-programme a été signé, en 2004, entre l’Etat, la confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et la fédération nationale du bâtiment et travaux publics (FNBTP). Ce contrat programme a fixé les objectifs, à court et moyen termes, que chaque partie doit réaliser pour assurer l’amélioration et la modernisation du système de qualification des entreprises, notamment celles opérant dans le domaine des BTP. Cependant, en l’absence d’accord entre les partenaires, en particulier entre la FNBTP et le Ministère de l’Equipement et des transports et de la logistique, la réforme profonde escomptée du SQC n’a pas été réalisée.
Source : rapport de la cour des comptes
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°151 – Juin 2017