Inutile de présenter Nabil BENAZZOUZ, le nouveau président élu de la FMCI, qui officie avec une vision précise à aux destinées de la corporation des ingénieurs : la FMCI. Cet ingénieur de formation dirige IDAFA, une structure de conseils qu’il a crée après un riche parcours dans les grands projets du secteur public.
Quel est votre bilan après cinq mois à la tête de la FMCI ?
Nabil.Benazzouz : « Le bilan est lié à l’objectif recherché avant ma nomination : celui de la dynamique qui a commencé depuis mi-2016 et qui était de revoir notre système de gouvernance au niveau de la fédération. Il ne s’agit pas de renouveler les instances pour les renouveler, mais revoir notre manière de travailler. De ce fait, tout le plan d’action qui a été dressé par la suite et les indicateurs d’atteinte des objectifs ne fait que traduire la philosophie qui a mené à toute cette mouvance qu’a connue la fédération.
Pour résumer, je dirais que cette gouvernance s’appuie sur une représentativité horizontale bien installée au niveau de l’ensemble des régions; nous sommes actuellement à sept associations régionales et nous devrons passer, à terme, à douze régions ».
Pourquoi cette orientation ?
N.B : « Certainement pas pour le plaisir de dire que nous disposons d’associations régionales, mais pour, justement, accompagner la dynamique que connaît le pays à travers le développement des régions, leur autonomisation au fur et à mesure et donc de plus en plus de grands projets vont être promus et lancés par les régions.
Le deuxième pilier sur lequel s’appuie le système de cette nouvelle gouvernance, c’est la représentativité verticale, c’est-à-dire qu’on représente aussi bien l’ingénierie que les laboratoires, que le conseil, que la formation et on a fait en sorte que les statuts reflètent cette représentativité verticale et horizontale. Elle est matérialisée par des commissions statutaires – auparavant, nous n’avions que des commissions ad-hoc – et on a rajouté cinq commissions de mandat. On estime que le mandat actuel de trois ans a besoin d’un certain nombre de leviers que ces commissions pourront justement mettre en œuvre. Il existe donc dix commissions, notamment : la commission organisation, qui répond à un souhait de longue date des confrères pour justement réorganiser leur métier, leur manière de travailler, etc. Le but c’est de lancer des embryons de collège de métier, lesquels pourraient aboutir à une organisation qui se déclinera au fur et à mesure.
La deuxième commission concerne le marché de l’ingénierie et le conseil, tout ce qui est régulation du marché, tout ce qui est honoraire, tout ce qui est délais de paiement et tout ce qui est diversification du marché, car la plupart de nos bureaux opèrent dans le bâtiment, et souvent dans le domaine classique. Certains opèrent dans le bâtiment avant-gardiste, mais ils restent peu nombreux, le but étant d’essayer d’étendre cette prise de conscience et cette ouverture sur les nouveaux métiers que ce soit dans les bâtiments ou les infrastructures de manière générale. La troisième commission est la commission juridique et fiscale. Dieu sait le nombre de textes dont on a besoin, soit à revoir, soit à créer, ou à créer en duplex avec d’autres professions.
Le dernier exemple dans ce sens est le CCAG EMO, le décret de passation des marchés, les CPS type, les CPC, le cahier de chantier qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a connu beaucoup de réunions avec les autres professionnels. C’est l’exemple typique de texte à cheval avec les autres professionnels, notamment les architectes, les topographes, et les bureaux de contrôle et puis il a fallu la fameuse loi 66-12 pour secouer les professionnels qui commencent désormais à se reposer des questions sur les rôles, missions et responsabilités de tout un chacun.
Parmi les actions concrètes menées par la commission juridique et fiscale, le 18 mai prochain, on compte signer une convention avec l’assurance Sanad, qui va offrir à l’ensemble de nos membres une panoplie de produits d’assurance dont notamment la fameuse assurance professionnelle et puis revisiter cette notion de garantie décennale, mener une nouvelle réflexion, pas seulement pour se protéger en tant que prestataire mais plutôt par rapport à la gouvernance de projet au Maroc. Car même dans les grands projets, cette notion de garantie décennale reste toujours un peu floue. Elle est plus au moins bien délimitée dans certains projets pilotes mais très peu définie par ailleurs.
Une autre action concrète consistera à lancer pendant la même journée et en présence des pouvoirs publics et les professionnels une première réflexion sur l’opportunité de création d’un centre technique de construction au Maroc. Un tel centre devra avoir trois missions essentielles : informer et former sur les nouvelles techniques d’élaboration des matériaux et procèdes de construction innovants et respectueux de l’environnement; évaluer puis certifier des produits et procédés et enfin diffuser les acquis scientifiques et techniques pour un développement compétitif large du secteur BTP.
Quant à la quatrième commission, c’est la commission communication, nous avons tous été d’accord pendant cette longue année de gestation de gouvernance qu’on avait des carences en communication. Il y a plusieurs raisons à cette carence. Des raisons intrinsèques à la nature de notre métier, mais aussi d’autres liées à l’appartenance de certains de nos ex-dirigeants à l’administration qui leur imposait une relative retenue. Il y a deux cibles, interne et externe. En interne, plusieurs outils ont été implémentés pour permettre des échanges libres entre confrères dont des forums qui ont permis à nos membres de s’exprimer librement et à nos instances de recueillir en direct et en continu les préoccupations et attentes de nos adhérents.
Quant à la communication externe, on s’est fait accompagner par des consultants professionnels et petit à petit nous avons entamé notre plan d’action de communication en phase avec la conjoncture traversée et l’évolution de notre feuille de route. La cinquième commission, est celle des relations avec les pouvoirs publics et les professionnels. Il s’agit d’une commission très horizontale, dont j’avais vivement souhaité la création afin d’initier les membres du bureau à ce genre de relations et qu’elles ne soient pas juste limitées au niveau présidentiel. il faut aller vers un système collégial et participatif car nous ne sommes que des bénévoles. D’ailleurs j’avais vécu cette situation quand j’étais vice-président et secrétaire général où je me retrouvais souvent tout seul aux côtés de l’ex-président.
Chaque commission est pilotée par un tandem de membres de bureau. Ce tandem est appelé à rassembler autour d’eux des volontaires et bien-sûr au-delà des volontaires et des permanents. Les uns définiront la stratégie et les autres mettront en œuvre les actions ».
Aujourd’hui, quels sont les chantiers lancés ?
N.B :« Pour la commission organisation, on a déjà entamé des réflexions qui sont en cours. La deuxième commission du marché de l’ingénierie s’est déjà attaquée aux problèmes des honoraires et des délais de paiement, au problème d’adéquation des ressources humaines (l’offre et la demande). Sur le marché de l’ingénierie, il est question de s’approcher de nos champions nationaux (Jesa, Novec, CID etc) et voir comment on peut travailler ensemble et comment ces grandes structures peuvent arrimer avec elles la moyenne et la petite structure. Je sais que ce n’est pas une action aisée, en tout cas cela a été très difficile par le passé, mais en même temps on doit y passer car on n’a pas le choix.
Donc, la question qui se pose, c’est comment on fait qu’une entreprise qui a une certaine taille devienne une vraie championne nationale. Comme promouvoir ces grandes structures ? Comment les aider et leur donner des marchés ? Mais bien-sûr à condition qu’ils jouent leur rôle de locomotive et tirer les autres dans une dynamique globale d’entraînement. Et ce, d’autant plus que le Maroc est appelé de plus en plus à s’exporter. J’ouvre une parenthèse pour remarquer qu’aujourd’hui l’Afrique est assez ouverte institutionnellement grâce aux efforts de Sa Majesté mais pas encore conquise commercialement.
C’est pour cette raison qu’il faut qu’on ait une vraie stratégie pour y aller ensemble, et tout le monde est concerné : architectes, ingénieurs, topographes, etc. De fait, on est amené à défendre cette prestation intellectuelle, moyennant un financement de l’État afin de permettre aux investisseurs africains de faire une étude de faisabilité et avoir les crédits et appeler à ce moment-là nos bureaux, nos architectes et nos entreprises, mais il faut la mise initiale que les bailleurs de fonds ne donnent pas, c’est au Maroc de la proposer ».
Qu’en est-il des réalisations ?
N.B : « La commission juridique qui offre l’assistance judiciaire aux membres, et ce pour assister et éclairer la justice qui reste, bien entendu, souveraine et indépendante. De fait, cette commission nous amènera à faire très prochainement des journées de sensibilisation avec la justice, et ce de manière à ce que les magistrats appréhendent de mieux en mieux le métier et ses péripéties.
Et puis en ce qui concerne la commission des relations avec les pouvoirs publics et les professionnels, il est vrai qu’elle a été un peu freinée à cause de l’avènement tardif du nouveau gouvernement mais elle n’a pas perdu du temps puisqu’elle avait à traiter des sujets particulièrement épineux comme la loi 66-12 avec le ministère de l’Urbanisme, ou le futur contrat programme avec le ministère de l’Équipement (les préparatifs, les amendements, etc.) ».
Justement, qu’en est-il du contrat-programme ?
N.B : « Le 1er contrat-programme sectoriel avait été entrepris par la FNBTP en 2004. La FMCI, pour sa part, avait un contrat-programme spécifique dès 2007-2008. A l’époque, on avait relancé l’ex-ministre Karim Ghellab, qu’on avait rencontré lors du BTP Expo en 2010, et il nous avait proposé de faire un contrat-programme commun et global pour le secteur, d’où la nécessité d’une étude stratégique sur le secteur du BTP, lancée en 2012 par le ministre Abdelaziz Rebbah. En août 2015, le programme a été pratiquement ficelé. Aujourd’hui, il est question de le finaliser et ensuite l’implémenter ».
Quel est votre plan d’action pour le reste de cette année ?
N.B : « On n’a pas attendu le contrat-programme pour agir. On a commencé par entreprendre des actions anticipées, et parfois des actions simples qu’on peut réaliser rapidement, par exemple, l’observatoire du BTP, qui a deux facettes : la facette portail BTP, et celle qui concerne tout ce qui est indicateurs et ratios liés à l’évolution du secteur BTP ».
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°151 – Juin 2017