Pour booster la santé de leurs activités, les industriels des matériaux de construction ont décidé de promouvoir leurs produits de manière à mieux affronter la concurrence qu’ils jugent déloyale, notamment celle des importateurs et de l’informel. A cette fin, la FMC s’est lancée dans la mise en place d’une stratégie de communication structurée sur plusieurs niveaux.
Rappelons tout d’abord, que la FMC a élu un nouveau bureau le 18 janvier dernier. « Si l’on prend en considération la corrélation entre la demande des matériaux et le secteur de la construction dans sa globalité, on voit bien que depuis 3 ans on assiste à une stagnation, même à un recul de la mise en œuvre des chantiers et de la construction », affirme David Toledano, président de la FMC. Il ajoute que « les grands constructeurs comme Addoha ou Alliances ont marqué le pas eux aussi et ont eu des difficultés; ce qui les a poussé à opérer à des restructurations ».
Une commission dédiée à l’export
Une commission dédiée à l’export au sein de la FMC, présidée depuis la formation du nouveau bureau par le directeur général de la Sonasid, Amin Abrak, travaille actuellement sur l’exportation de la technologie et du savoir-faire développés localement. Les industriels espèrent ainsi contrer les produits d’importation ainsi que le secteur informel. Toujours selon le président de la FMC, « la concurrence internationale fait, qu’aujourd’hui, on est concurrencé sur un certain nombre de marchés comme les carreaux, le marbre et les céramiques par des importations qui viennent diminuer les parts de marché des nationaux ».
Il précise que 30 millions de m2 de carreaux sont importés sur une capacité de fabrication de 80 millions m2 par an, et de ce fait 40% de cette capacité n’est pas utilisée.
Un contrat de performance
Par ailleurs, les industriels locaux tablent aussi sur le contrat de performance des matériaux de construction signé il y a près d’un an entre le ministère de l’industrie, du commerce de l’investissement et de l’économie numérique et le ministère de l’économie et des finances, et d’autre part, par les présidents des associations professionnelles des cinq filières concernées : le préfabriqué, la céramique, le marbre, l’acier et le ciment. Ces filières ont soumis au ministère un programme d’action budgété qui doit être validé.
L’aide promise par le ministère de l’industrie aux professionnels consiste à former des profils répondant aux besoins par filière et par région, la mise à disposition de foncier proposé en locatif à travers tout le Royaume ou encore l’injection de moyens financiers pour appuyer l’investissement.
La rédaction
Interview avec David TOLEDANO, président de la FMC
Comment expliquez-vous la baisse d’activité des matériaux de construction locaux ?
D.T : Aujourd’hui, il y a toujours un engouement des marocains pour les produits d’importation : c’est une question de mentalité. Nous sommes face au premier producteur mondial, l’Espagne, qui a une capacité énorme et peut proposer des prix marginaux qui sont faibles par rapport au prix de revient chez nous. D’ailleurs, nous avons introduit une demande d’étude pour prouver qu’il y a dumping. Aujourd’hui, il faut que le Maroc réagisse dans le cadre de cette étude que nous sommes en train de mener pour prouver que le prix que proposent un certain nombre de producteurs espagnols ne peut pas être le prix réel, car il est plus bas que le prix de revient de la matière. Nous sommes en train de faire une lutte stratégique parce qu’il y va de la sauvegarde de notre industrie, car leur objectif est de démolir l’industrie locale et remonter les prix à partir de ce moment là. Nous sommes donc pris dans un étau de baisse de la demande et d’augmentation des importations vers le Maroc. Nous sommes dans un marché qui est dans le creux de la vague et en train de profiter de cette accalmie et de cette période pour essayer de réfléchir et de nous restructurer afin de rebondir pour relancer nos industries et voir ce que l’on peut faire et ce que l’on n’a pas encore fait, etc.
Comment se présente votre plan de communication ?
D.T : On a nommé un professionnel pour s’occuper de cette partie, car jusqu’ à présent on l’a fait en amateur. Aujourd’hui, nous avons au sein de la FMC une structure chargée de la structuration de notre plan de communication et de sa mise à niveau : une communication institutionnelle, réfléchie, continue qui va toucher le grand public via les médias (internet, radio, télévision, …), l’organisation de journées nationales pour parler des matériaux de construction et de salons de manière à développer la visibilité de nos produits, l’organisation de journées scientifiques, etc.
Selon vous, quelle est la finalité de ce plan de communication ?
D.T : On s’est rendu compte après l’organisation de la COP22 et le SIB 2016, qu’un grand nombre de produits et surtout ceux d’innovation ne sont pas connus du grand public, et même des professionnels tout court. Nous avons recadré les cibles : d’abord les professionnels et ensuite le grand public. Car, de plus en plus, ce dernier s’adresse à des distributeurs et on essaie de montrer qu’il y a d’autres critères de choix que le prix, notamment la qualité, le respect de la norme, la garantie … et aussi montrer que l’acte de bâtir est un acte qui est important dans une vie, de manière à se poser la question sur la différence entre les différents produits proposés et pourquoi il y a une différence de prix. Par exemple, vous allez acheter un lavabo, c’est le même poids de matière première, vous allez en trouver un à 200 DHS et l’autre à 2 000 DHS. Donc, même celui de 200 DHS, il faut l’acheter en toute sécurité et il ne faut pas se dire que celui qui est importé est le meilleur. Il faut se dire lequel va me convenir, me rendre service en toute sécurité. Il y a des normes qui sont obligatoires et il faut avoir un certificat et demander au vendeur si le produit est normalisé et conforme à la norme. Si demain il ne marche pas, pourrais-je me retourner contre le fabricant ? Pour nous, il est question de cibler et de permettre, demain, à ces clients potentiels de changer d’idée et de dire je vais aller demander le moins cher mais celui qui est conforme aux normes et si j’ai le choix entre plusieurs, je peux avoir le réflexe d’acheter marocain et non pas aller me précipiter pour aller acheter le moins cher ou un produit d’importation et négliger nos produits. Aujourd’hui, nous exportons 80% de notre production de sanitaire, ce qui est énorme et prouve que nous avons des produits de qualité. Nous exportons dans le monde entier, aux USA en Europe, en Chine, au Japon et même jusqu’au Vietnam.
Comment va se décliner cette communication ?
D.T : La mise en place de la commission mixte relative à l’export est intervenue pour promouvoir les produits locaux à l’export, et ce pour contrer les effets des importations et de l’informel. Nous avons désigné un membre de notre bureau, Monsieur Abraq, qui est le directeur général de la Sonasid. Nous allons mettre au point des idées nouvelles avec une évaluation de ce qui se fait. La mission de Monsieur Abraq est de voir les actions que nous pouvons entreprendre pour avoir la main sur l’export, ce qu’il faut faire pour aider les gens, promouvoir nos produits à l’export, et surtout essayer d’exporter notre technologie ainsi que notre savoir-faire local.
Aujourd’hui, nous avons la capacité de donner une trame, de vendre notre technologie, car il nous fallait acheter le know how ou le transfert de technologie à partir de l’Europe, du Japon, etc. Aujourd’hui, nous pouvons accompagner un certain nombre de pays africains et d’investisseurs pour construire des usines nouvelles et des unités de production de matériaux de construction.
Quels sont les rouages du contrat de performance signé avec le ministère de l’Industrie ?
D.T : Ce contrat porte sur les écosystèmes, précisément nous avons signé 5 écosystèmes : celui des produits en béton avec l’Amib, avec les marbriers, les céramistes, avec l’Association marocaine des sidérurgistes ainsi qu’avec les cimentiers qui concerne le développement de destruction des déchets ménagers.
Pour nous, il s’agit de l’engagement de notre secteur ou plutôt chaque sous-secteur qui doit s’engager à créer un certain nombre d’emplois d’ici 2020. Au total, il y a eu la création de 28 000 emplois depuis 2016. Pour chaque sous-secteur, il y a des engagements du côté sectoriel et des engagements du côté de l’état. Ce dernier met à disposition un certain nombre d’éléments qui vont permettre aux secteurs de tenir leurs engagements, et ce au niveau foncier, financier, technique ainsi qu’au niveau réglementaire. Donc, chacun doit se mettre au travail pour créer d’ici 2020 le nombre d’emplois, le volume d’investissements ainsi que les augmentations de valeur ajoutée sur lesquels il s’est engagé, etc.
A l’heure actuelle, on a commencé à dérouler notre programme et on avance très bien. Nous sommes dans une bonne disposition avec un contrat signé l’année dernière. De fait, on est dans la phase de concrétisation et de réalisation. Pour vous donner une idée plus précise, on a déposé le plan des 5 écosystèmes auprès du ministère de l’industrie, et nous avons déjà une des associations qui a déposé des projets et qui, déjà, a atteint le maximum de projets prévus dans le contrat de performance.
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°148 – Mars 2017
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