La Journée d’action pour l’eau qui a eu lieu lors de la COP23 à l’initiative du Conseil mondial de l’eau (WWC) prévoit des initiatives intégrées et un partage des connaissances pour renforcer la résilience au changement climatique et la rationalisation des procédures, afin d’assurer un financement annuel de 255 milliards d’euros.
Une stratégie descendante et ascendante
Pour le Conseil mondial de l’eau, la gestion optimale de l’eau et l’investissement dans les infrastructures hydriques requièrent une stratégie intégrée descendante et ascendante impliquant les villes et les États qui partagent des voies d’eau et des bassins transnationaux. Les solutions locales aux problèmes locaux sont en effet souvent les plus adaptées pour relever les défis de l’eau, comme l’a souligné Aziza Akhmouch, directrice par intérim de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : « Les villes résilientes sont en fait celles qui agissent sur les défis de l’eau à leur source ». Les connaissances approfondies et la gestion optimale des ressources pour l’adaptation continue existent déjà. Elles doivent simplement être partagées entre les secteurs afin de mieux faire face aux effets néfastes du changement climatique. Il est de plus en plus évident, par exemple, qu’une utilisation plus efficace de l’eau dans l’agriculture est possible : jusqu’à 70 % de l’eau est consommée par l’agriculture, contre 20 % par l’industrie et 10 % pour la consommation humaine. Le secteur agricole pourrait, grâce à une mise en commun des connaissances, suivre les meilleures pratiques mises au point dans divers domaines et appliquer des expériences partagées. « Il serait judicieux d’employer les leçons du monde entier, y compris celles des populations rurales traditionnelles d’Afrique ou d’Asie, qui peuvent transmettre leurs connaissances pour une gestion des ressources innovante, sagace et responsable, et préparer notre planète à lutter contre les assauts des variations climatiques. Les connaissances sont là, il suffit d’écouter et de les exploiter », explique Maggie White, responsable des politiques internationales de l’Institut international de l’eau de Stockholm (SIWI), coprésidente de l’Alliance pour l’adaptation mondiale de l’eau (AGWA) et membre de l’initiative #ClimateIsWater.
Un impact dangereux
« Le changement climatique a un impact sur la disponibilité de l’eau douce, mais le plus grand impact est mis en évidence dans la façon dont nous gérons cette précieuse ressource. La pénurie d’eau est un problème certes, mais, sa mauvaise gestion est aussi très largement responsable des défis auxquels nous sommes confrontés. Nous devons nous attaquer à la manière dont l’eau est distribuée en Amérique latine et dans le monde. Bien que le Brésil abrite près d’un cinquième de l’eau douce mondiale, Sao Paulo a récemment vécu l’une de ses plus grandes crises de son histoire lorsque nous avons connu une sécheresse sans précédent, les réserves d’eau étant presque réduites à zéro. De plus, en ce moment même, des sécheresses se produisent à travers le monde comme dans le nord des États-Unis, en Australie et même en Chine. À Porto Rico, c’est le contraire. Malgré une terrible inondation à la suite d’une gigantesque tempête, seule la moitié de la population de l’île a accès à l’eau potable », a souligné le président du Conseil mondial de l’eau, Benedito Braga.
Financement des infrastructures
Le financement des infrastructures joue un rôle crucial dans l’atténuation et l’adaptation aux effets néfastes du changement climatique. L’accès aux fonds pour les projets qui rendent l’eau salubre disponible nécessite des accords multilatéraux et un financement commun des banques de développement, des fonds souverains et des fonds verts et bleus. « Il est paradoxal que l’accès aux fonds pour des projets vitaux liés à l’eau soit conditionné à des critères », a déploré Eric Tardieu, secrétaire technique du Réseau international des organismes de bassin (RIOB). « Nous devons faire correspondre le marché avec les besoins d’investissement. Un travail plus analytique sur les effets du non investissement est en outre nécessaire », a complété Torgny Holmgren, directeur exécutif de l’Institut international de l’eau de Stockholm (SIWI).
Défi pour la communauté internationale
La collecte de données est également un défi pour la communauté mondiale de l’eau, qui a besoin de partager ses enseignements et d’exploiter la technologie afin de créer un monde hydriquement sûr. Un accès à valeur ajoutée à l’éducation sur les impacts climatiques, l’agriculture, la gestion de l’énergie et de l’eau aiderait à sensibiliser les professionnels et les institutions. Le rôle et l’expérience des femmes doivent par ailleurs guider tout processus de mise en œuvre. « Impliquer à la fois les femmes et les hommes dans la prise de décision et les initiatives intégrées en matière de ressources en eau conduit à une meilleure durabilité, gouvernance et efficacité. Les femmes devraient être considérées comme des alliées clés et un élément crucial du changement de comportement durable dans l’adaptation au climat », a expliqué Mariet Verhoef-Cohen, présidente de Women for Water, membre du World Water Council et porte-parole de l’initiative #ClimateIsWater.
La transition vers des connaissances combinées sur l’agriculture, l’énergie et l’eau est nécessaire pour garantir la sécurité alimentaire, maximiser les modèles énergétiques durables et atténuer le stress hydrique. C’est la seule vraie réponse au changement climatique qui puisse assurer l’accès à l’eau, la nourriture et l’énergie dans un monde durable et résilient au climat d’ici 2050. Notre avenir alimentaire est étroitement lié à notre avenir hydrique. « L’utilisation multiusage et durable de l’eau doit en effet être au centre de la construction de villes et constructions humaines et garantir la sécurité alimentaire dans un contexte de changement climatique », a résumé Mariet Verhoef-Cohen.
La rédaction
A propos du Conseil mondial de l’eau (WWC)
Le Conseil Mondial de l’Eau (WWC) est une plate-forme internationale multipartite, fondatrice et co-organisatrice du Forum Mondial de l’Eau. Sa mission est d’impulser des actions sur les problématiques relatives à l’eau à tous les niveaux, y compris au plus haut niveau décisionnel, en encourageant le débat et en contestant la pensée conventionnelle. Le Conseil se concentre sur les dimensions politiques de la sécurité hydrique, de l’adaptation et de la durabilité, et travaille à positionner l’eau au sommet de l’agenda politique mondial. Créé en 1996, le Conseil Mondial de l’Eau réunit plus de 300 organisations membres de plus de 50 pays différents. Plus d’informations sur www.worldwatercouncil.org
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°157 – Janvier 2018