L’obligation du tri à la source des biodéchets pour tous dès le 1er janvier 2024 mobilise d’ores et déjà les filières biométhane et méthanisation. Elles y voient une belle opportunité pour poursuivre leurs engagements au profit du développement de la méthanisation vers plus de gaz renouvelables dans le mix énergétique français. Laetitia Aubeut-Chojnacki, Chargée de développement biométhane sur le marché des collectivités chez GRDF, est revenue avec nous sur les enjeux de cette filière et le rôle de GRDF dans son développement.
Ces biodéchets, principalement d’origine alimentaire, qui n’ont pu être évités par des actions anti-gaspillage, issus des foyers ménagers, du secteur de la restauration, ou de celui de l’industrie agro-alimentaire, doivent être prioritairement valorisés par recyclage matière sur les sols agricoles. Pour autant, au-delà de leur potentiel agronomique, ils constituent également un potentiel énergétique mobilisable estimé entre 5 et 9 TWh/an de biométhane d’ici à 2030. Leur valorisation par méthanisation permet l’expression de ce double potentiel. Nos biodéchets jusqu’alors perdus dans nos poubelles grises deviennent ainsi de véritable vecteurs d’économie circulaire pour les territoires.
Pouvez-vous nous faire un état des lieux de la filière du biométhane ?
Laetitia Aubeut : Le biométhane est produit par l’épuration du biogaz issu de la dégradation biologique des matières organiques en l’absence d’oxygène, autrement dit, par méthanisation. Ce biométhane ainsi produit est de qualité identique au gaz naturel fossile acheminé dans les réseaux de gaz français.
L’essor de la filière biométhane prend sa source par l’ouverture en 2011 d’un tarif de rachat du biométhane produit et injecté dans les réseaux, soutien au développement de la filière par l’Etat. En France, plus de 1000 sites de méthanisation valorisent nos déchets organiques. Actuellement ce sont plus de 330 de ces sites qui injectent du biométhane dans le réseau de gaz français. Cela équivaut à une capacité de production de gaz renouvelable de près de 6 térawattheures, de quoi alimenter en gaz plus de 1,5 millions de nouveaux logements ou faire rouler 23000 bus ou bennes à ordures ménagères vers une mobilité plus propre. La filière agricole est le principal producteur de ce biométhane. Résidus agricoles, effluents d’élevages, cultures intermédiaires à vocation énergétiques sont en effet autant de gisements méthanisables qui couvrent plus de 90 % du potentiel de matières organiques mobilisables en méthanisation.
Pour en savoir plus sur l’état de la méthanisation et ces enjeux en France, n’hésitez pas à consulter le rapport du Sénat dédié à ce sujet et le site https://projet-methanisation.grdf.fr
Quels sont les objectifs de la filière à horizon 2030 et 2050 ?
Laetitia Aubeut : Les opérateurs gaziers, dont GRDF, visent un verdissement des réseaux gaz à hauteur minimum de 10 % de la consommation française en gaz d’ici à 2030, cela représente environ 40 TWh/an. En 2023, se seront déjà plus de 12 TWh de gaz renouvelables qui seront acheminés pour verdir nos usages domestiques, industriels ou de mobilité. Enfin, d’ici à 2050, nous visons 100% de gaz vert. Ces objectifs sont, pour les plus courtes échéances, alignés à la programmation pluriannuelle de l’énergie mais l’ambition plus long terme répond aux enjeux de réduction des GES et de neutralité carbone d’ici à 2050. Outre le développement du biométhane produit à partir de la méthanisation, ces objectifs tiennent compte également du développement de nouvelles filières de production de gaz renouvelable comme la pyrogazéification ou la méthanation (solutions de valorisation de CO2).
Pour assurer ce verdissement du réseau de gaz et accompagner la transition énergétique et écologique pour des modèles économiques plus durables, GRDF mène ainsi de nombreuses actions aux côtés des collectivités, de la filière agricole et des acteurs institutionnels, etc.,
Produire du biométhane présente de nombreux avantages pour l’environnement et les territoires :
- La production du biométhane apporte une solution au cœur des objectifs Economie Circulaire de valorisation de nos déchets (agricoles, ménagers, industriels, agroalimentaires…) et aide à lutter contre le changement climatique
- Les Territoires peuvent produire de l’énergie verte et pour certains deviennent des « territoires à énergie positive » pour une croissante verte.
- La filière biométhane crée de la valeur des emplois directs non-délocalisables : en moyenne se sont 3 à 4 emplois directs par site qui sont créés, et elle participe activement à la dynamique économique territoriale au service de la transition énergétique.

En quoi consiste le tri à la source des biodéchets ?
Laetitia Aubeut : Si elle concernait au 1er janvier 2016 les gros producteurs de plus de 10 t/an de biodéchets, l’obligation du tri à la source doit s’adresser à tous les producteurs y compris les ménages d’ici 2 ans.
Il existe deux solutions pour mettre en œuvre ce tri à la source des biodéchets
- Soit par une collecte séparée dédiée en porte à porte ou en points d’apports volontaire, avant d’être valorisés en unités de traitement centralisées.
- Et/ou par une gestion de proximité, complémentaire à la gestion centralisée, via du compostage en pied d’immeuble, pavillonnaire ou de quartier, pourvoyeur de lien social et outil de prévention à la gestion de déchets auprès de leur producteur.
De l’émergence de cette filière de mobilisation et de valorisation des biodéchets, de nombreuses solutions voient le jour. Ce marché constitue un formidable terreau d’innovations et d’engagements d’entreprises et de jeunes start-ups du monde des déchets, de la logistique ou encore de l’économie sociale et solidaire en faveur de plus d’économie circulaire et par lesquelles les collectivités locales au titre de leur mission de service public de gestion de déchets peuvent décliner concrètement leur obligation.
En quoi l’obligation du tri à la source des biodéchets constitue une opportunité ?
Laetitia Aubeut : L’obligation de mise en œuvre du tri à la source des biodéchets et leur valorisation mobilise prioritairement les collectivités au titre de leur compétence de gestion publique des déchets. Le gisement de biodéchets issus des ménages étant majoritaire. Les collectivités sont nos premières clientes pour lesquelles nous exploitons les réseaux de gaz. Dans son rôle de mission de service public au service de la transition énergétique et dans l’intérêt général, GRDF voit donc dans cette obligation la double occasion de renforcer son accompagnement au profit des collectivités et de la méthanisation.
A plusieurs titres le flux de biodéchets constitue une opportunité pour les collectivités et pour la méthanisation :
- Le biodéchet est un formidable vecteur de communication. Produit par tous, sa valorisation en méthanisation soutient l’acceptabilité de la filière entière. Et inversement, leur méthanisation donne le sens nécessaire au geste de tri demandé à leurs producteurs pour une meilleure mobilisation et implication éco-citoyenne. Ce qui est un gage de la qualité et de la quantité nécessaire à la réussite du recyclage et de la valorisation des biodéchets visées.
- Le biométhane produit à partir de ce flux participe pleinement au développement concret d’une économie circulaire territoriale où les biodéchets deviennent des ressources autant énergétiques qu’agronomiques : de l’assiette au champ et du champ à la gazinière.
- Le biodéchet est aussi un vecteur de lien entre monde rural, acteur majeur du développement de la méthanisation, et collectivités. L’une garante de notre sécurité alimentaire l’autre du développement de son territoire, de sa dynamisation et de sa résilience. Tous les deux sont engagés vers plus de durabilité.
Quel est le potentiel de production de biométhane susceptible d’être produit à partir des biodéchets ?
Laetitia Aubeut : Sur les quelques 20 millions de tonnes de biodéchets produits à horizon 2030, en quantité brute estimé par l’ADEME, tous ces biodéchets ne seront pas forcément disponibles pour la méthanisation (compostage de proximité, valorisation sur d’autres filières…). Ainsi, nous estimons le potentiel de production de biométhane mobilisable plutôt compris entre 5 et 9 TWh/an.
Cependant, ce potentiel mobilisable est très dépendant de la mobilisation des producteurs, toute nature confondue, dans leur geste de tri, de la qualité de ce geste de tri et du déploiement de solutions de collecte efficaces et innovantes. Cela suppose la mise en œuvre d’étapes préalables de mobilisation de ces biodéchets avant même d’envisager leur valorisation en méthanisation. Cette mobilisation dès l’amont de la valorisation constitue un enjeu prioritaire pour une collectivité qui souhaitent mettre à profit son gisement de biodéchets dans l’atteinte de ces objectifs de développement durable.
C’est pourquoi GRDF se place en facilitateur afin accompagner ce marché en pleine évolution, en aidant les territoires à mobiliser puis à valoriser ces flux. Informer, animer, et faciliter le développement de cette filière « biodéchets » émergente au profit de la méthanisation et du verdissement des réseaux gaz constitue un axe de développement désormais majeur pour GRDF au profit des collectivités et des acteurs de la filière méthanisation.
GRDF a publié un guide et une revue pour favoriser la valorisation des biodéchets. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux ressources ?
Laetitia Aubeut : Effectivement, nous avons publié récemment deux outils pour accompagner les collectivités et les acteurs de la méthanisation, qui viennent rejoindre les nombreuses ressources que nous produisons aux côtés de la filière :
- Le guide « Biodéchets : du tri à la source jusqu’à la méthanisation » Ce guide est le fruit de 9 mois de travail collaboratif aux côtés de l’expertise des cabinets de conseils SOLAGRO et ESPELIA et du regard terrain d’acteurs représentants des collectivités avec l’Association des intercommunalités de France (AdCF) et de Villes de France, ainsi que de la région AURA, de l’ADEME AURA et de la chambre d’agriculture Isère engagées dans le développement de la méthanisation sur leur territoire à travers le consortium Ambition Biogaz 2023. Ce guide à destination des élus, des techniciens de collectivités mais également de la filière méthanisation et des acteurs du déchet donne des informations très opérationnelles sur la mise en œuvre concrète du tri à la source des biodéchets et de leur valorisation en méthanisation. Retours d’expérience, fiches outils méthodologiques, témoignages de collectivités… permettent d’inscrire pleinement son lecteur dans une réflexion complète et méthodologique de déploiement de solutions appropriées à son territoire. Plus d’infos en vidéo
Elaborée suite à un appel à projet de GRDF avec la collaboration du SYCTOM et de l’Agence des Economies Solidaires, cette revue recense 26 solutions lauréates sur les différentes briques de mobilisation des biodéchets : de la sensibilisation jusqu’au traitement en passant par la sensibilisation, collecte ou encore le pré-traitement et à des niveaux de maturité différentes.
Cette revue est avant tout un outil de visibilité et de mise en relation entre :
- Acteurs innovants, pourvoyeurs de solutions
- Collectivités, en charge de décliner les obligations réglementaires et de planification durable sur leur territoire
- Acteurs déchets, adaptant leur savoir-faire à ce flux émergent
- Acteurs de la méthanisation dont le flux biodéchets constitue un levier d’acceptabilité, de diversification par le service rendu aux territoires, et de renforcement du lien urbain-rural
Article publié sur Construction21 France
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