Les premier et huit novembre, dans le cadre des actions de formation continue organisées par le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes de Casablanca, l’architecte-urbaniste Abdelatif KARIM a animé au profit de ses confrères, un module de formation en urbanisme intitulé « Anatomie d’une Note de Renseignements ». Cet architecte-urbaniste autant affable qu’expérimenté a su conquérir les participants en partageant sa riche expérience.
La maitrise de la lecture de la « Note de Renseignements », pièce maitresse du dossier de demande d’autorisation, est essentielle au bon exercice de la profession d’architecte. Ce module de formation a été monté pour répondre à un besoin vécu et exprimé par les architectes, notamment les jeunes, dans leur pratique professionnelle. En effet, ces derniers se trouvent le plus souvent désorientés devant la multitude de textes de lois et règlements d’urbanisme touchant de près ou de loin l’exercice de leur métier.
Situation rendue encore plus problématique quand ces lois et règlements sont, à leur tour, rendus obscurs par la lecture et la gestion qui leur sont faites, notamment dans les interprétations, aussi diverses que divergentes selon les situations et les acteurs intervenant dans la ville. Cela est manifeste notamment lors de la phase d’instruction des dossiers d’autorisation.

La connaissance et la bonne lecture du règlement sont importantes à deux niveaux :
– D’une part pour les architectes, dans leur rapport à l’administration d’une façon générale, notamment à l’occasion du dépôt et d’instruction des dossiers de demandes d’autorisation.
– D’autre part dans leur rapport au règlement d’urbanisme en tant que contrainte et instrument de production des formes urbaines.
Pour le premier niveau, un constat s’impose : le règlement d’urbanisme et/ou son application/gestion pose problème :
– Source de conflits entre les architectes, maitres d’œuvres et l’administration du fait des interprétations diverses faites aux articles et dispositions réglementaires.
– Le règlement d’urbanisme est souvent perçu beaucoup plus comme un obstacle, voire un frein que comme une contrainte parmi d’autres dans la fabrication des projets.
– Chaque dépôt de dossier de demande d’autorisation implique, systématiquement un «parcours du combattant du fait des grandes difficultés rencontrées par les architectes pour faire autoriser leurs projets.
– Les architectes ont un rapport plus ou moins conflictuel avec les textes et règlements. Cela provient en grande partie de la gestion qui en a été faite par l’administration d’une façon générale. La formation est, dans ce sens, un des leviers pouvant contribuer à améliorer et clarifier les choses. Une séance de formation est, par ailleurs, une occasion pour identifier et examiner certains des points d’achoppement avec l’administration dans la lecture et l’interprétation du règlement.
Le deuxième niveau, autrement plus pertinent et professionnellement déterminant, c’est de considérer et analyser le règlement en tant qu’instrument de production des formes urbaines. Le règlement est souvent « visible » ou lu essentiellement à travers ses termes « secs et bruts » et accepté comme une formalité juridico-administrative obligée. Dans ce sens, il serait utile de s’interroger sur la nature du règlement urbanistique, sa formulation et surtout de l’articuler et le relier avec leurs fondements et soubassements urbanistiques. Cela permettrait de leur restituer leur véritable place, une place intermédiaire entre l’urbanisme et l’acte de production des formes urbaines. Cela les rendrait, par ailleurs et pour ainsi dire, plus « digestes ».
La séance de formation a pris comme étude de cas la Note de Renseignements d’un terrain réel situé à Casablanca ayant des caractéristiques assez pertinentes :
– Une superficie assez grande (plus de 2 hectares),
– Trois zonages urbanistiques,
– Plusieurs contraintes et servitudes d’urbanisme : voirie, équipements publics… et les enjeux urbains qui leurs sont liés.
Par ses caractéristiques, le terrain offre l’avantage de permettre le croisement des dispositions règlementaires respectives aux trois zonages.
Durant cette séance de formation et d’échange, l’animateur a mis l’accent sur les phases essentielles de décodification de la Note de Renseignements, permettant de :
• La décomposer, la « disséquer » d’où le nom d’anatomie donné à ce module.
• Analyser les différents articles réglementaires.
• Articuler ces articles avec les fondements et concepts urbains qui leurs sont liés afin de tenter de lire le projet urbanistique sensé être «à l’origine» de ces dispositions réglementaires. Et inversement examiner la pertinence de la règle urbanistique, la qualité plus ou moins explicite de sa formulation, afin d’apprécier les marges d’interprétation éventuelle source de nombreux litiges.
A titre d’illustration des aspects urbains liés aux articles règlementaires de la note de renseignements, objet de plusieurs débats et échanges entre les participants, voici quelques aspects soulevés par les articles règlementaires:
• Articles nature zone/usages interdits : question du zonage prescrit pour le territoire en question, mixité urbaine ? Fractures/coupures urbaines, limites zonages (axes voies ? fonds des parcelles ?) …etc.
• Constructibilité des parcelles CUS/COS :
question de la densité de logements, densité de population, équipements publics, espace bâti/libre, espaces verts…etc.
• Implantation/emprises publiques : alignement, espace public, rue, place, …
• Implantation/limites séparatives : question mitoyenneté, habitat continu, discontinu, types formes urbaines projetées…etc.

Rarement ces articulations sont faites à l’occasion d’instruction des dossiers d’autorisation. Pourtant c’est surtout cet « esprit des lois » (et non pas seulement ses termes) qui est à même d’éclairer les commissions d’instruction des dossiers d’autorisation, dans l’application des règlements à des situations urbaines, par nature, toujours différentes.
Les architectes ayant participé à cette formation ont, à l’unanimité, apprécié sa portée, son intérêt et utilité dans leur pratique quotidienne. Mais loin de répondre à toutes les difficultés trouvées, d’autres actions sont nécessaires, à commencer par celles relatives à la connaissance et l’analyse des différents textes de lois régissant l’urbanisme. A suivre !
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°178 – Décembre 2019