La nouvelle élection de Poutine en Russie est un bon prétexte pour aborder ce sujet, n’est-ce pas ? Voilà plus de 20 ans que le bloc soviétique a éclaté, pourtant son architecture continue de marquer les imaginaires et surtout le paysage des pays autrefois sous emprise soviétique. Un immense héritage, pas toujours simple à porter, qui dans beaucoup de pays pose encore aujourd’hui question. Comment les pays intègrent aujourd’hui ce patrimoine ? Que faut-il en faire ? Le détruire ? Le conserver ? Le détourner ?
L’architecture soviétique, qu’est-ce que c’est ?
Quand on pense à l’architecture soviétique, tout un tas d’images nous submergent. Du béton, des formes simples, géométriques, mais surtout un décalage entre l’uniformité des banlieues monotones communistes et l’exubérance des édifices gigantesques et futuristes. Cela ressemble drôlement à des paysages urbains qu’on peut retrouver aussi par chez nous, dans nos villes nouvelles d’Île-de-France.
Contrairement aux idées reçues, le champ de l’architecture soviétique est vaste, surprenant et souvent méconnu en Occident. Du constructivisme des années 1920-1930, aux formes Art déco, aux gratte-ciels staliniens imposants, passant pas le bâti industriel ordinaires et des immeubles d’habitations uniformes, la variété ne manque pas. Pourtant une ligne directrice reste présente : le béton armé et la géométrie souvent rude. On retrouve aussi une récurrence sur l’ensemble du territoire de l’ex-URSS : des ministères, des écoles, des maisons de la culture, des statues et des monuments commémoratifs aussi. Une standardisation bien sûr liée au système étatiste centralisé.
Chaque pays a vu dans ses villes et campagnes apparaître cette architecture, souvent synonyme de domination. L’URSS était un espace incroyablement étendu, allant de l’Europe Centrale à l’Asie. Elle a impacté de manière très différente de son empreinte les paysages de pays qui aujourd’hui se l’approprie en fonction des contextes et de façons bien différentes.
Des monstres de bétons très charmants ?
Certains vouent une véritable passion et fascination pour cet héritage, notamment des photographes qui collectionnent les clichés de ce patrimoine souvent à l’abandon, cherchant des traces de ces monuments fous qui gisent un peu partout. Une perdition qui leur donne beaucoup de charme, une beauté mélancolique, qui fait souvent oublier le contexte dans lequel ils ont été construits. Ces ruines de béton oubliées attirent les curieux, les férus d’exploration urbaine (Urbex), cette activité consistant à visiter des lieux construits par l’homme, abandonnés et en général interdits, ou tout du moins cachés ou difficiles d’accès.
C’est ainsi que Buzludzha une ancienne salle de congrès, aujourd’hui abandonnée, située en Bulgarie, a refait surface et attire de plus en plus d’explorateurs et de touristes, bien que située au milieu de nulle part. Inauguré en 1981, ce bâtiment monumental et futuriste a mobilisé pendant sept ans plus de 6 000 travailleurs dont 20 célèbres peintres et sculpteurs bulgares, qui ont réalisé la décoration intérieure. Tout ça pour être aujourd’hui totalement à l’abandon et dans un piteux état.
Cette étrangeté est issue du quatrième âge de l’architecture soviétique, le plus méconnu, marqué par une forte créativité et l’influence de la science-fiction. Une diversité des styles qui aujourd’hui fascine et plaît beaucoup. Elle prend source dans les années 70 comme pour semer un monde en devenir. Fini les angles et place aux arrondis ! Un redoux annonceur du dégel dans un contexte de guerre froide qui figeait alors l’Europe. Une série de bâtiments insolites a poussé comme des champignons aux marges de l’URSS et sont aujourd’hui souvent abandonnés et presque jamais mis en valeur. Faut dire qu’étant associés au passé communiste, ils suscitent l’indifférence, voire même le rejet dans les nations fraîchement émancipées de la tutelle de Moscou.
Source : lumieresdelaville.net