Les futures Archives du Maroc devraient assurer une place de choix aux documents les plus révélateurs des évolutions de l’architecture, de l’habitat et de l’urbanisme dès le début du 20ème siècle en tant que témoignages majeurs de l’identité culturelle du pays. Tel était le sujet traité et débattu récemment par d’éminents spécialistes à Rabat à l’invitation du Centre culturel Français.
Avec le statut exceptionnel d’un Grand Projet à vocation « stratégique », le Maroc a décidé de se doter d’Archives Nationales qui manquaient notoirement dans ce pays. Cette ambitieuse institution culturelle et scientifique fera l’objet d’un concours international d’architecture valorisant le site de 4,5 hectares récemment acquis par l’Etat à Rabat-Salé près du Pôle Technopolis. On y prévoit notamment un département réunissant enfin les archives publiques et privées valorisant l’histoire moderne et contemporaine de l’architecture, de l’habitat et de l’urbanisme : trois grands domaines de la création sont ainsi désormais reconnus comme étant porteurs d’une part importante, spécifique et durable de l’identité et des évolutions de la nation. En réunissant à Rabat trois éminents spécialistes de France, de Belgique et du Maroc, un séminaire vient de préciser les atouts et enjeux de ce projet prometteur.
« La notion et la pratique culturelle de l’archivage scientifique des dessins, maquettes et de bien d’autres témoignages de l’histoire de d’architecture et de l’urbanisme moderne est devenue – depuis quelques décennies déjà – un besoin impérieux dans de nombreux pays. Notamment en France où l’Etat assume un rôle pilote dans ce domaine. Cette démarche est désormais incontournable, dans tous pays, pour assurer la survivance et la pérennité à long-terme – tout comme la consultation – d’une masse très diversifiée de documents et objets, souvent fragiles et vulnérables. Sous réserve qu’elles soient conçues et gérées selon les règles exigeantes d’un nouvel « art de sauvegarde du patrimoine», ces archives constituent une ressource vivante désormais indispensable aux professionnels et chercheurs, enseignants et étudiants, aux historiens et à tous les citoyens qui assument la nécessaire « mission d’interroger l’histoire pour mieux comprendre le présent et éclairer l’avenir. », « En Europe, ces archives se sont révélées être d’une importance majeure pour permettre d’assumer un regard analytique et critique inédit – propre à toute recherche culturelle sérieuse – aboutissant à la réalisation d’expositions et de livres, de mémoires et de thèses, de colloques ou d’articles dans la presse professionnelle ou généraliste. Sans l’existence de telles archives, c’est la mémoire de la créativité d’un pays ou d’une culture, d’une pratique ou d’un savoir-faire professionnel qui serait menacée de disparition, en appauvrissant ainsi notre horizon de référence. Les archives constituent donc partout un indispensable outil de connaissance et de réflexion pour éviter les effets désastreux de toute forme d’amnésie – culturelle ou autre – dont les effets à long-terme sont toujours ravageurs : car l’amnésie empêche la curiosité, la recherche et l’intelligence des hommes de s’exercer au sein d’une société. »
C’est en s’articulant en référence à cet argumentaire (rédigé par l’architecte et essayiste belge Jean Dethier) qu’a eu récemment lieu à Rabat, une significative conférence-débat intitulée « Archives d’Architecture : histoire, actualité et avenir d’une indispensable pratique culturelle et scientifique ; le cas de la France et du Maroc. »
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°155 – Novembre 2017