Avec un Conseil National déchiré, les architectes font feu de tout bois contre la loi 66-12 censée mettre un terme à l’anarchie urbaine et aux effondrements d’immeubles. L’Etat, dans l’incapacité de faire appliquer l’ordre, compte sous traiter la tâche d’inspection des chantiers aux architectes en les mettant sous le joug des vrais responsables du désordre, de leurs acolytes et le leur faire endosser. Une situation créée sans concertation par un ministre qui veut en découdre avec la profession.
Il est de notoriété publique que l’anarchie urbaine, visible dans toutes les villes du Maroc, est le résultat de la corruption, du laissez-allez et des agissements électoralistes récurrents. Les collectivités locales sont au premier rang des incriminées.
Un véritable business du logement clandestin et de la surélévation prospère, ainsi, au su et à la vue des autorités complices. Lesquelles entretiennent des situations régulières de rentes et se sont installées officiellement dans le circuit occulte des autorisations de construire, de surélever ou d’aménager.
La grande majorité des architectes honnêtes, qui ont pignon sur rue, est absente de ces mécanismes mafieux qui prospèrent depuis une quarantaine d’année avec l’avènement de la décentralisation et le pouvoir donné aux communes. Comme le sont d’ailleurs les ingénieurs-structure, les promoteurs et les entrepreneurs organisés.
Les drames humains survenus ces dernières années avec les effondrements de construction démontrent l’incapacité de l’Etat à lutter contre ce phénomène dans lequel les architectes, comme tout un chacun, jouent le rôle de spectateurs.
Comme nous savons très bien le faire chez nous en période de crise, une loi expresse est sortie à la va-vite pour remédier, dans l’urgence, à cette situation. Censée mettre de l’ordre, manu militari, à l’anarchie urbaine, elle a été votée, en plein été par quelques courageux députés en mal de vacances.
Sans concertation aucune avec les professionnels, la loi est promulguée unilatéralement et les architectes se retrouvent devoir faire le travail que les agents de l’Etat non jamais voulu ou pu faire auparavant : contrôler rigoureusement les constructions !
Voilà l’Etat auto-déchargé et auto-délesté de ses responsabilités et qu’une nouvelle épée de Damoclès est suspendue sur la tête des professionnels qu’ils soient architectes, ingénieurs, promoteurs ou entrepreneurs.
De surcroît, ces mêmes contrôleurs, incapables d’inspecter les constructions, se retrouvent en état de contrôler les architectes qui sont obligés de veiller, à chaque instant, à la conformité des constructions, avec à la clef des amendes si ce n’est un passage par la case prison.
Au lieu de veiller à l’application directement les lois existantes par les agents d’autorités, à qui incombe le contrôle des constructions, les pouvoirs de ces derniers sont encore renforcés, ce qui ouvre la porte à bien plus d’abus.
Ce faisant, les nouveaux textes réduisent le maître d’œuvre à une situation de gardien de chantier. Ce à quoi le ministre Merroun semble vouloir le cantonner !
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°146 – Janvier 2017
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