A plusieurs reprises, l’architecte Rudy Ricciotti a fustigé le dictat du label HQE auquel il fait moult reproches dont, notamment, « l’appauvrissement des spécificités architecturales locales au profit de formes stéréotypées et standards ».
Et de s’étonner que désormais le petit R qui suit les trois lettre HQE est une marque déposée et que, dès lors, l’utilisation de cette locution, somme toute naturelle, est désormais soumise à des règles qui ne sont pas celles du vocabulaire et de la conjugaison française mais celle du droit d’auteur. Attention danger !
Pourtant, nombreux sont les architectes marocains qui utilisent cette terminologie pour expliquer que les bâtiments qu’ils ont construit ont mis en œuvre des systèmes passifs et actifs pour économiser de l’énergie et procurer un certain confort aux futurs usagers. Ceci sans avoir préalablement obtenu de la société française Cerway, en charge du développement du label HQE à l’international, l’autorisation d’utiliser ces trois lettres suivies qui sont, désormais, sa propriété privée.
Ce n’est ni par mégarde ni par escroquerie que les maitres d’œuvre marocains affirment qu’ils ont construit un « bâtiment HQE » mais par méconnaissance.
Banques, hôtels, résidences, administrations et bien d’autres bâtiments sont labellisés HQE au Maroc et d’autres, plus nombreux sont en cours.
L’analyse des projets des Green Solutions Awards que nous présentons dans ce numéro nous informe que la plupart d’entre eux ne sont pas certifiés HQE et que certains, les plus aboutis à mon avis, vont très loin dans l’efficience énergétique, le concept de durabilité, soutenabilité, dirais-je pour reprendre la terminologie anglo-saxonne « sustainability » dont l’usage est plus pertinent.
Ainsi en est-il du Centre de l’Education pour l’Environnement de l’architecte Layla Skali et de la Maison B Autonome du couple de concepteurs Myriam Soussan et Laurent Moulin, qui représentent des projets exemplaires en matière de contextualité. Des constructions respectueuses de l’environnement qui ne se conforment pas au dictat du label HQE qui fait travailler l’ingénierie et l’industrie française, les compagnies d’aviation en sus des sorties importantes de devises sonnantes et trébuchantes servant à rétribuer cette expertise.
Car les contingences ne sont pas seulement climatiques mais également d’ordre socio-économique. A titre d’exemple, sous nos cieux, prévoir un espace en terrasse d’immeuble pour abattre les moutons lors des fêtes, prévoir des crochets pour pendre leurs carcasses et des canalisations adaptées est un acte d’hygiène et de salubrité d’une grande portée sociale et environnementale. Prévoir dans les ensembles d’habitations un espace aménagé, avec sa logistique de livraison, pour monter une tente afin d’y tenir des festivités ou autres évènements de rassemblements permettrai d’éviter de bloquer la circulation dans la rue comme cela se fait de nos jours au détriment du bon fonctionnement de la communauté.
Bref, la réappropriation de nos concepts d’habitat, leurs projections dans l’avenir, la contextualisation des approches méthodologiques est pour le moment un non sujet au niveau de nos décideurs. N’y a-t-il pas un Rudy Ricciotti marocain qui puisse dénoncer cette main basse intellectuelle et nous sortir de ce psittacisme que l’on subit depuis si longtemps?
Fouad Akalay
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°174 – Juillet 2019